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Un hommage vivant à Cunningham

Etonnant et facétieux travail sur la danse et l'image, 50 ans de danse de est un événement «méta-cunninghamien».

Au départ de ce projet, il y a un beau livre que le chorégraphe a reçu en cadeau à Noël : Un demi-siècle de danse, livre de photos sur l'œuvre de signé David Vaughan en 1997 (éditions Plume). Le livre est toujours là, annoté, couvert de post-it, posé bien en vue sur un pupitre à l'avant-scène. lui-même en tourne les pages, proposant un revival image par image de ces cinquante années de danse, incluant les portraits du maître depuis l'âge de cinq ans. A ses côtés, Olivier Renouf mixe les sons de ces 50 ans de ballets, principalement marqués par la collaboration avec et le piano préparé. Sur le plateau, deux danseurs âgés et cinq plus jeunes, dans des maillots et des académiques shopés chez American Apparel, mix disparate et éclectique des costumes de scène du répertoire cunninghamien.

Le résultat est tonique, vif, frais, drôle, en un mot, vivant. On y voit le travail du danseur, la transpiration, les grimaces quand il s'agit de tenir l'équilibre, mais aussi la difficulté d'effectuer certains gestes quand le corps se dérobe. Au travers de ces deux corps vieillis, Boris Charmatz pose la question de la transmission du geste, du répertoire, et fait de cette pièce – conceptuelle sur le papier – un vibrant hommage au chorégraphe américain. Qui aurait cru, en vérité, que l'enchaînement d'images posées, figées sur papier glacé, formerait une chorégraphique inédite et pourtant plus fidèle dans l'esprit que beaucoup de reprises contemporaines.

Pionnier, frondeur, expérimental, drôle et facétieux, tel est le Cunningham que nous propose Boris Charmatz au lieu d'une image patrimoniale figée dans la naphtaline. Dans une approche chronologique qui respecte le déroulement du livre, on y voit en effet vibrer l'esprit libertaire des sixties jusque dans les happenings, des seventies plus expérimentales encore, des eighties médiatisées à outrance et des ballets emblématiques des nineties. Mieux qu'une conférence dansée, cette pièce joyeuse et généreuse est l'un des meilleurs moyens d'accéder à l'histoire vivante de la danse et augure bien de la démarche initiée par Boris Charmatz en transformant le Centre Chorégraphique National de Rennes (à la tête duquel il a été nommé en avril dernier) en Musée de la Danse.

Quand le livre s'achève sur une superbe et dernière image collective en contre-jour, puis sur un saut de l'ange, on a peut-être compris l'essence de l'œuvre de Cunningham.

Crédit photographique : © Sandro Zanzinger

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