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Le retour de Wagner à Nice

On a pu parler de la folie de Wagner et plus particulièrement de la folie Parsifal. Nietszche, après cet ultime opéra s'est écrié avec effroi «horreur Wagner est devenu chrétien». Et de fait, cet opéra est incontestablement l'aboutissement de ce que considérait depuis quelque temps comme sa mission, inaugurer un nouveau christianisme dont l'Art, son art serait capable de conduire l'humanité au salut.

Un christianisme épuré de ce Jésus d'origine juive et dont Parsifal viendrait prendre le relais. Alors on est tout de même stupéfait de voir une mise en scène d'abord d'une platitude inégalée pour du Wagner mais surtout d'inspiration bouddhiste. C'est malheureusement souvent ça quand on est à court d'idée, on croit inventer la poudre avec des illuminations personnelles que personne n'a jamais eu, à commencer par les plus brillants. Wagner Bouddhiste ? Il faut avoir une sacrée dose de courage ou d'inculture pour oser le trait. L'influence de Schopenhauer qui marque déjà Wagner dans le Vaisseau fantôme est bien l'exacte opposée de l'héritage de Bouddha. Et puis un intime (si l'on peut parler ainsi pour les proches de Wagner) du maître de Bayreuth, comme Nietzche ne s'y est pas trompé avec son cri d'horreur. Rolland Aeschlimann devrait incontestablement en rester aux décors, le temps de s'imprégner de musicologie. Encore que la pauvreté quasi antiwagnérienne de ses décors ne soit pas plus engageante. Vide de matériau scénique, vide de mise en scène, l'œuvre magistrale courrait le risque d'un appauvrissement ce qui ne manqua, comme les ronflements dans la salle ont pu le révéler. L'intention religieuse de Wagner totalement vidée de sa substance, il ne restait qu'une belle histoire en contre sens, comme si on avait doublé un film avec les paroles d'un autre film. Vidé de son sens, l'ouvrage pouvait alors subir musicalement toutes les interprétations et le choix des tempi, inlassable controverse de l'œuvre, ne revêtait alors qu'un intérêt esthétique. De fait la rapidité de ceux-ci, à l'encontre de la dimension liturgique et sacrée voulue par l'auteur, s'est révélé un atout, en dynamisant une interprétation scénique soporifique.

Et c'est fort dommage car musicalement toute la troupe, depuis l'orchestre jusqu'aux solistes en passant par les chœurs, ont admirablement servi la partition. Si l'on pouvait ici et là regretter quelques enchaînement plaqués par l'orchestre, il faut noter l'impeccable et stable exécution de ces longs accords tenus. Dirigé avec conviction et précision par Philippe Auguin, l'orchestre de Nice a retrouvé pour un soir la tenue qu'il avait perdue depuis le départ de . Outre quelques désagréments d'aigus dans certains chœurs, on pouvait regretter que les chœurs de fonds soient parfois inaudibles et couverts. En revanche saluons sans ambages les voix, magnifiques, profondes et claires. Exception faite de Peter Sidhom, à la voix plus sèche et de ce fait moins en accord avec le rôle, tous les solistes furent wagnérien à merveille tenant avec à propos leur rôle malgré le contre sens absurde de la mise en scène. Notons la très belle performance de dont on aurait toutefois aimé les hurlements plus «véristes». Tous ont magnifiquement tenu et portés la partition et sauvé de très loin une soirée que leurs seules voix ont portée.

Crédit photographique : © peinture Nathalie Verdier – Opéra de Nice

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