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I am the enemy you killed, my friend

Dans le War Requiem, la difficulté pour le chef est peut-être moins d'agencer les imposantes forces rassemblées sous sa conduite que d'obtenir de tous la sincérité, la ferveur et la fraternité dont le compositeur a nourri son œuvre. fait preuve d'une autorité souveraine qui lui permet de rattraper quelques moments périlleux et d'équilibrer les masses sonores. La lecture, menée dans des tempos plutôt vifs, est d'une admirable cohérence et d'une impressionnante souplesse, par exemple dans le ralentissement qui mène au «Lacrimosa» ou dans l'accélération du «Libera me». Le chef peut compter sur l' pour rendre justice à la sombre majesté de l'instrumentation. En revanche, il ne réussit pas à obtenir du chœur le même investissement : nombre de passages sont chantés trop fort, sans recueillement ni terreur («Quantus tremor» justement), d'autres manquent de poids et de sens, quand ils devraient être poignants («Quid sum miser», «Oro supplex»). Le célèbre passage psalmodié, «Pleni sunt cœli et terra», passe presque inaperçu, comme si les choristes restaient sur leur quant-à-soi. La qualité vocale et l'excellente diction demeurent très appréciables, cependant. Le second chœur, qui doit être entendu à distance, est relégué en coulisses. Le résultat est heureusement satisfaisant, et il faut attendre le moment des saluts pour comprendre que ce Boy's choir tire son inhabituelle rondeur d'une composition presque uniquement féminine.

C'est surtout dans les magnifiques poèmes de Wilfred Owen (1893-1918) que l'interprétation se hisse au niveau de l'inspiration de Britten, culminant avec la rencontre post mortem des deux soldats ennemis. Le jeu de l'orchestre de chambre est extrêmement bien senti. déclame superbement, n'hésitant pas à décolorer son timbre pour exprimer un pessimisme acerbe, d'autant plus intéressant qu'il s'oppose à la tendresse inimitable de Peter Pears, le créateur de ces pages. Matthias Gœrne n'est pas un modèle de diction anglaise, mais il bouleverse par son éloquence grandiose et mélancolique. Pour la partie de soprano, destinée à Galina Vichnevskaïa, Britten souhaitait un chant hiératique et barbare, un vœu certainement respecté par , au détriment parfois de la justesse.

La soirée était dédiée à un grand spécialiste de Britten, le chef Richard Hickox (1948-2008), qui aurait dû diriger ce concert.

Crédit photographique : © Mathias Bothor

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