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La Finta Giardiniera à Berne : Mozart au Far-West

Nardo aime Serpetta qui aime le Podestat qui aime Sandrina qui aime Belfiore qui aime Arminda qu'aimait Ramiro. Cet imbroglio apparent finira bien puisque Sandrina épousera Belfiore, Serpetta Nardo et Arminda Ramiro. Simple, non ? 

Un argument qui tient en quelques lignes mais dont l'expression théâtrale s'avère bien plus compliquée à faire entendre et voir clairement en une heure et demie de théâtre lyrique. A cette tâche, la metteure en scène n'y parvient que partiellement, ne réussissant pas à bien caractériser ses personnages. Si la passion de Sandrina et de Belfiore apparaît assez évidente, les enjeux des autres protagonistes restent trop évanescents. Un brouillard de personnalisation d'autant plus difficile à pénétrer que la metteure en scène allemande décide de montrer cette farce dans une époque proche de la nôtre. Un langage amoureux bien différent de celui de l'époque mozartienne. Essayer de saisir qui-est-qui et qui-veut-qui s'avère rapidement impossible. Alors, on se retranche sur la musique magnifique de Mozart en oubliant les parfois vulgarités d'une scène qui se voudrait comique. Peut-être que le choix de présenter cette comédie dans le décor triste d'un motel du Far-West avec son distributeur de Coca-Cola et ses sièges aux placets de plastique dégage une ambiance peu propice aux discours amoureux. Mozart méritait mieux que ces caricatures de personnage. Comme ce Don Anchise du Far-West dégainant son revolver à barillet pour descendre une vache passant sur le fond de scène.

Cet opéra de Mozart offre au public la possibilité de rencontrer la troupe régulière du Stadttheater de Berne dont les solistes principaux viennent tous tour à tour sur la scène pour y chanter les airs magnifiques que le jeune compositeur (il a seize ans quand il compose La Finta giardiniera) offre en répartition presque équivalente pendant les un peu plus de deux heures de cet opéra.

On retrouve avec plaisir la belle voix de soprano d'Hélène LeCorre (Violante) dont on regrette de constater que, de productions en productions, elle reste une interprète théâtrale si peu convaincante. A ses côtés, le ténor est un séducteur épatant de noblesse et de désinvolture. Mettant sa voix claire, sonore et souple au service de son personnage, il chante Mozart avec une grâce remarquable. Si (Arminda) s'affirme comme une valeur sûre de la troupe bernoise, son personnage papillonnant d'un homme à un autre prend corps grâce à son abattage à toute épreuve. Peut-être que le chant mozartien aurait voulu qu'elle approche son personnage avec un peu plus de finesse vocale. A son tour, la soprano (Serpetta) démontre une aisance époustouflante dans l'occupation de l'espace scénique. Avec le tonus d'un professeur de bodybuilding, elle vocalise très agréablement même si ici encore, Mozart mérite un peu plus de style. Nouvelle recrue de la troupe bernoise, le baryton mexicain Gerardo Garciacano (Nardo/Roberto) cache un instrument vocal digne d'intérêt mais encore trop retenu. La voix est belle, on peut donc espérer que bientôt il la laissera s'exprimer à sa juste valeur. Si la mezzo (Ramiro) ne trouve pas ses marques dans l'ingratitude de ce rôle de travesti, (Don Anchise) en fait trop pour séduire vraiment. Même si le chant s'apparente bien à l'esprit et au style de Mozart, son jeu de scène souvent excessif le porte vers un personnage outrancier à cent lieues du vieux beau qu'on attend.

Dans la fosse, le chef dirige sans briller grandement une Finta Giardiniera largement tronquée, avec un beaucoup plus agréable à l'écoute que celui des excès sonores entendus lors des représentations du récent Eugen Onégin.

Crédit photographique : Hélène LeCorre (Sandrina, Violante), (Serpetta) ; (Serpetta), Gerardo Garciacano (Nardo/Roberto), Hélène LeCorre (Violante), (Don Anchise), (Il conte Belfiore), (Don Ramiro), (Arminda) © StadttheaterBern

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