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85 ans de Pierre Boulez, les certitudes d’un parcours

C'est en deux concerts, et deux mois après la date prévue, que l' et l' rendent hommage au Maître pour ses 85 ans. Double célébration qui voit les jalons majeurs, selon Boulez, de la création musicale tout au long du XXe siècle, pour se terminer sur trois œuvres qui ouvrent ce nouveau millénaire.

Curieusement le concept de l'extrait est opposé à cette perfection de la forme caractéristique de notre homme. Quelques minutes de Berg par ci, quelques autres de Stravinsky par là, un bout de Berio, un bout de lui-même, … L'idéal aurait été peut-être une série de concerts sur plusieurs jours retraçant tout le répertoire du chef-compositeur (depuis Mozart), mais l'ampleur de la tâche, qui aurait réquisitionné tout l'arsenal musical de Paris, n'est pas de mise en ces temps de rigueur budgétaire.

Pour le premier concert, un aperçu du «premier XXe siècle» est présenté par l' et l'. On ne peut que regretter ces extraits, tous admirablement défendus, mais qui laissent sur notre faim. Dans ce florilège, citons l'excellente prestation des membres de l'Intercontemporain dans les Pièces pour quatuor de Webern et les Quatre pièces op. 5 de Berg, ainsi que la performance de l' dans les extraits de Debussy, Schœnberg, Ravel et Stravinsky, qui nous font retrouver l'art de chef d'orchestre. En seconde partie, un très curieux «essai de portrait» conçu par Eric Picard (violoncelle solo de l'Orchestre de Paris), sorte de pièce de théâtre autour de la vie de Boulez, faite de faux reportage, de second degré et d'extraits musicaux… d'esthétiques radicalement opposées, le tout entrecoupé d'un entretien en direct du compositeur avec Jean-Pierre Derrien. Un spectacle touchant, véritable témoignage d'estime des musiciens, mais qui pêchait par un certain manque de vivacité. Nous y retrouvons un Boulez qui n'a rien perdu de son aplomb : «Vous avez déclaré à votre départ pour Baden-Baden en 1966 : la radio, des ignorants dirigés par des incapables. Diriez-vous la même chose aujourd'hui ?» / «Je ne sais pas… Je n'ai plus écouté la radio depuis».

Le lendemain, suite et fin de ce concert-fleuve, consacré à la seconde moitié du XXe siècle et au début du XXIe. On y retrouve les «amis» de , Berio, Boulez, Donatoni, Kurtag, Carter, Ligeti et bien sûr Boulez lui-même. Le voisinage d'œuvres de circonstances de Berio et Carter face à des chefs d'œuvres consacrés (Kammerkonzert de Ligeti, Klaviertück V de Stockhausen, superbement interprété par ) se fait au détriment de ces premières. Fin en apothéose de ce XXe siècle avec dirigeant deux de ses Notations, la n°II, scherzo virtuose, bénéficiant d'un bis. Les choix du chef-compositeur pour la partie «XXIe» laissent dubitatifs. Distances de Jean-Baptiste Robin ne prend guère de distances avec ses références passées (Varèse, Boulez et Ligeti) et Virga d'Helen Grimes, partition hédoniste à l'orchestration ravélienne, est dans la lignée du clinquant britannique actuellement de mise. La présence de était naturelle, puisqu'il a été soutenu et défendu à ses débuts par Pierre Boulez (il lui doit la composition de l'Offertoire du Requiem pour le Réconciliation, composé par 14 compositeurs en 1995 pour les 50 ans de l'Armistice de 1945). Mais pourquoi avoir choisi Concertare il suono ? L'œuvre joue avec la spatialisation de l'orchestre, impossible à rendre dans la configuration de Pleyel. La polyphonie, qui se devait d'être aérée du fait de la distance, devient massive et illisible. Dommage. Commencé en apothéose, ce cycle Boulez «un certain regard» finit sur une note d'insatisfaction.

Crédit photographique : Pierre Boulez © Dieter Nagl

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