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Johann Christian Bach par Jaroussky : des opéras à redécouvrir

De tous les opéras de , seule La clemenza di Scipione semble avoir connu un jour les honneurs du disque, même s'il est vrai que certaines pièces isolées – les ouvertures notamment – ont été enregistrées séparément.

À écouter cette anthologie réalisée tout récemment par et le Cercle de l'Harmonie, il paraît scandaleux qu'un compositeur aussi doué et aussi prolifique ait pu tomber à ce point dans l'oubli. Parmi les airs choisis sur ce CD, tous sont de véritables petits bijoux qui montrent à quel point , longtemps décrié pour être sorti des sentiers obligés tracés par son père puis par ses frères aînés, constitue un des maillons manquants entre les opere serie de Haendel et les tout premiers ouvrages mozartiens. Même si les airs réunis sur ce CD relèvent tous plus ou moins de l'esthétique de l'aria da capo, la redécouverte inévitable des opéras intégraux montrera comment savait utiliser le chœur à des fins dramatiques – essentiellement, d'ailleurs, dans les opéras composés pour Londres, la ville de Haendel… –, de même que sa maîtrise des finales d'actes ou son art subtil de l'instrumentation, à mi-chemin entre les styles baroques et galant.

Le programme de ce CD alterne, selon une logique qui nous est devenue familière, les pages faisant appel à la virtuosité vocale la plus débridée (notamment « Pugna il guerriero » de La clemenza di Scipione, « La legge accetto », l'air composé par Bach pour le castrat Tenducci à la fin du premier acte de l'Orfeo ed Euridice de Gluck…) avec celles demandant de leur interprète des trésors de legato et de mezza voce. Si possède la technique qui lui permet de satisfaire à toutes les exigences requises, il est néanmoins plus à l'aise dans les airs tendres et élégiaques que dans les passages vocalisés faisant appel à une vaillance qui fera toujours défaut à la voix de contre-ténor. La musicalité plutôt « chambriste » de l'interprète convient tout particulièrement aux deux sublimes airs de concerts également écrits par Bach pour son ami Giusto Ferdinando Tenducci. Le premier, avec ses deux parties de violoncelle et son solo de fortepiano, sans doute le clou de cet enregistrement, n'est pas sans annoncer le Ch'io mi scordi di te de Mozart. Jaroussky se montre néanmoins très convaincant dans la page la plus théâtrale de toutes, l'air « ch'io parta » chanté par Lisimaco dans Temistocle, un des opéras composés pour Mannheim.

Dans ce répertoire post-baroque et/ou pré-classique, marqué par l'enrichissement des parties réservées aux instruments à vent, Le Cercle de l'Harmonie et son chef sont certainement les partenaires idéaux. Espérons qu'une firme discographique relèvera prochainement le défi de leur confier l'enregistrement intégral d'un des opéras du Bach anglais (Caractacus ? Adriano in Siria ?), maillons indispensables de l'histoire de l'opéra européen du XVIIIe siècle. Ils nous sont dus.

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