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Une Symphonie des Milles en demi-teintes par David Zinman

Œuvre redoutable et à double tranchant que la Symphonie n°8 de , sous-titrée « Symphonie des milles » en raison du nombre impressionnant d'exécutants qu'elle requiert. Mahler la créa à Munich le 12 septembre 1910, à la tête de 1029 choristes, solistes et musiciens, donnant là son dernier concert européen auquel assistaient nombre de personnalités de l'époque. Un siècle plus tard, poursuit son intégrale mahlérienne en enregistrant cette pièce monumentale.

La première partie de l'œuvre, l'hymne Veni, creator spiritus est quelque peu décevante. Le chef américain tient ses troupes d'une main de fer, assurant ainsi une mise en place quasi chirurgicale –ce qui est déjà un tour de force dans cette partition redoutable. Cela ne suffit toutefois pas à rendre toute la grandeur de cette musique (parfois emphatique, certes) et la direction de Zinman manque trop souvent d'intention. Il semble vouloir atteindre quelques points culminants -qu'il défend fort bien- mais délaisse quelques sections de l'hymne qui semblent parfois traitées comme du simple « remplissage ». Il ne tire pas suffisamment avantage de certains contrastes dynamiques ou de quelques dissonances, qui pourraient être rendues avec plus d'expression. En découle un certain prosaïsme qui n'a pas sa place ici. Déplorons également que les premiers violons de la phalange zurichoise soient, çà et là, consternant d'apathie.

Sans complètement captiver, la deuxième partie de la symphonie est en revanche plus intéressante. L'introduction instrumentale est jouée avec une belle intensité. Plus inspiré que dans le Veni, creator spiritus, Zinman nuance mieux son propos et accompagne très joliment ses chanteurs. Un plateau vocal globalement bon et équilibré au sein duquel seul (Pater Profundus) semble un « perdu », n'ayant ni la sécurité d'intonation, ni la projection de ses partenaires. Les femmes tirent particulièrement bien leur épingle du jeu, notamment en ce qui concerne les contraltos et Birgit Remmert. Impossible de ne pas également souligner l'excellente prestation des chœurs d'enfants, irréprochables.

L'interprétation de Zinman est bien léchée. C'est là une de ses qualités et son principal défaut car la perfection ne suffit pas à atteindre l'âme. Tout cela manque d'imagination voire d'exubérance. On trouvera de meilleurs versions sous la baguette de Seiji Ozawa (Philips), décidément à l'aise avec les ensembles surdimensionnés (dans cette Symphonie des Milles ou dans les Gurrelieder de Schœnberg), d'Abbado (DG) ou de Bernstein I (Sony) et II (DG).

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