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Tosca à Berne : finalmente Scarpia !

Depuis la Tosca réalisée pour Maria Callas par Lucchino Visconti, rares sont les metteurs en scène qui ont pu donner une vision aussi claire du chef d'œuvre puccinien.

Et pourtant, dans sa mise en scène, Anthony Pilavachi nous livre quelques images qui, sans s'éloigner de l'intrigue, offrent une lecture magnifiquement fouillée des personnages. Ainsi, si la figure de Tosca reste immuablement celle de l'actrice éperdument amoureuse de Mario Cavaradossi, le Scarpia du metteur en scène chypriote apparaît comme un être intérieur habité par une dévotion religieuse maladive. Le corps ceint d'une couronne d'épines, le bras tatoué d'un visage du Christ, Scarpia soufre d'être torturé par le devoir qu'impose sa position sociale et le désir amoureux qu'il porte à Tosca.

Pour cet étrange Scarpia, si souvent caricaturé en un personnage simplement frustre, malsain, despotique et détestable, la scène bernoise s'appuie sur l'excellence théâtrale d'un formidable . Magnifique acteur, chanteur impeccable, tout en lui respire le Scarpia complexe et complexé imaginé par le metteur en scène. Si le geste est toujours juste, la voix immense du baryton mexicain fait merveille dans un rôle taillé à sa mesure. Finalmente, un grand Scarpia !

Mais le portrait de Scarpia ne serait pas complet sans son entourage. Ainsi Spoletta n'est plus un simple exécutant des basses œuvres. Il est le vil acteur de l'intrigue. Dans son costume gris, sorte de Gœbbels triomphant, il se tient dans les angles sombres de la scène, tirant les fils de la machination, une machination qui le conduira à vêtir la succession de Scarpia après son assassinat par Tosca. Incarnant à la perfection cette vilenie trouble, le ténor occupe la scène avec ses sourires énigmatiques, ses regards entendus, ses gestes mesurés.

Si la Tosca de la soprano convainc par son charisme, si sa voix dégage une grande humanité, capable des colorations amoureuses les plus subtiles comme de couleurs les plus dramatiques, elle est malheureusement théâtralement moins crédible. Si nous avions précédemment loué son Amelia d'Un Ballo in Maschera à Berne, Tosca demande un engagement théâtral autrement plus grand que dans l'opéra de Verdi où la voix peut suffire. Ainsi la scène de séduction de Scarpia tourne presque au ridicule lorsqu'il bascule l'imposante soprano par-delà le dossier du divan et lui arrache sa robe. Avec plus de prévenance, son «Vissi d'arte, vissi d'amore» aurait certainement été chanté avec plus d'émotion.

Avouons une certaine déception par le Mario Cavaradossi du ténor mexicain . Scéniquement inexistant, sa vocalité laisse à désirer. A chacune de ses interventions, ses attaques souffrent d'une justesse pour le moins discutable qui heureusement disparaît par la suite. Si la voix est grande, les aigus puissants, son personnage reste dans la convention. A noter, la belle prestation de très à l'aise dans un magnifique et équivoque Sacristain, tout comme celle de (Le Berger) qui, crânement chante son air face au public. En imaginant ce personnage, fils du gardien de la prison, venant chanter sa petite romance comme s'il récitait un devoir d'école, c'est le talent du metteur en scène qu'il faut encore complimenter de montrer un chanteur généralement voué à une prestation de coulisses.

Dans la fosse, le s'enflamme sous la baguette volontaire d'un inspiré qui extirpe de son ensemble les accents les plus noirs d'un drame qu'il imprime dès les premières mesures. Impressionnant !

Crédit photographique : (Scarpia), (Tosca), (Spoletta) ; (Cavaradossi), Pier Dalas (Sciarrone), (Tosca), (Scarpia) ©DR StadttheaterBern

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