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Du sang neuf pour Otello avec Colin Davis

La direction de était déjà bien connue de nombreux amateurs d'opéra, dont certains se rappellent sans doute la période où le chef britannique était directeur artistique de l'Opéra Royal de Covent Garden.

Des représentations mémorables d'Otello, avec notamment Jon Vickers, Teresa Zylis-Gara et Renato Bruson, avaient été un des points forts, au tout début des années 1980, de cette période particulièrement faste sur le plan vocal et musical. On retrouve ici avec le plus grand plaisir cette énergie survoltée que libère , lequel excelle également dans les moments les plus intimistes et les plus élégiaques de l'œuvre. On aura rarement entendu une direction aussi analytique, qui permet aux différents timbres orchestraux de se détacher, et sans que cela nuise à la cohérence dynamique de l'ensemble. On se réjouit que cette belle lecture, due à un chef qu'on associe plus volontiers à Mozart et Berlioz, ait enfin été immortalisée par le disque.

La bonne surprise vient donc de la distribution vocale, qui compte parmi ses membres des artistes encore jeunes et relativement peu connus de l'industrie discographique. Tel est le cas en tout cas du ténor néo-zélandais Simon O'Neill – à ne pas confondre avec son aîné le Gallois Dennis O'Neill, lui aussi interprète du rôle d'Otello dans les pays anglophones au cours de ces vingt dernières années… –, qui constitue une véritable révélation. Ce jeune Heldentenor déjà bien connu du public new Yorkais possède en effet toutes les qualités pour faire une carrière fracassante : puissance, volume, sens de la nuance et du verbe, et surtout, qualité très rare chez ce type de gabarit vocal, un timbre encore clair ainsi qu'une facilité déconcertante dans l'aigu, ce qui change agréablement de tous les ténors barytonants (Heppner, Domingo…) qui se sont frottés au rôle du maure de Venise ces dernières années. La tessiture d'Otello serait presque un peu grave pour une voix qui ne demande, naturellement, qu'à s'épanouir dans l'aigu. L'interprétation, évidemment, aura encore le temps de mûrir…

À ses côtés, est une superbe Desdémone, dans la plus pure tradition allemande de ces cantatrices aux superbes notes aiguës placées haut, très haut dans la tête, et qui rappelleraient presque la regrettée Leonie Rysanek. La grande époque des Grummer, Lemnitz ou autres Meta Seinemeyer serait-elle enfin revenue ?

Le Canadien , en Iago, est lui aussi un interprète extraordinaire, moins pour la puissance vocale qu'il accorde au rôle – son instrument n'est en rien un baryton Verdi, même si on souhaiterait que ce chanteur mette davantage de rôles italiens à son répertoire – que pour sa musicalité exemplaire, la qualité de sa diction et surtout la manière subtile dont il parvient à dire son texte et à insinuer le doute dans l'esprit malade d'Otello. Une superbe interprétation, qui confirme que les vrais Mozartiens peuvent tout à fait exceller dans certains rôles verdiens !

Curieusement, vu le soin qui semble avoir été porté à cette réalisation, les rôles secondaires sont plutôt mal tenus avec notamment une insupportable Emilia. À suivre, néanmoins, le ténor , tout à fait prometteur dans le rôle court mais ô combien important de Cassio.

Les amateurs de nouvelles voix pourront donc se précipiter tranquillement sur ce beau coffret. Ils ne seront pas déçus.

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