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Indispensable anthologie du Lied

Enfin un recueil paraît, regroupant les principaux poèmes mis en musique par les compositeurs appartenant au romantisme germanique depuis les précurseurs, Reichardt et Mozart, jusqu'à Zemlinski et Schönberg.

Soit quelques sept cents textes, dont tous ceux formant des cycles, proposés avec leur traduction française. Entreprise réalisée par , musicologue, auteur d'ouvrages sur , et , responsable du choix des textes et auteur de l'introduction, et par Hélène Boisson.

L'ouvrage comprend deux séries de textes : ceux regroupés par noms de compositeurs et ceux formant une anthologie de poèmes variés, de Gœthe ( environ 80), de Schiller, de Heine, de Mörike, mais aussi Lord Byron, Verlaine, Maeterlinck, sans omettre la Bible et Luther. Une précision exemplaire caractérise l'ensemble, digne d'une édition savante : après chaque texte figure mentionné les musiciens l'ayant retenue, ce qui est extrêmement intéressant et plein de surprises. Les variantes apportées lors de la mise en musique sont indiquées ainsi que les orchestrations éventuelles des Lieder. Chaque poème est présenté avec la date et le lieu (revue, éditeur) de sa première parution. Un glossaire explicite le sens de mots dont est tissé ce répertoire, ce qui permet d'en cerner l'aura, la Weltanschaung, cette fameuse conception du monde qu'ils révèlent. Ainsi de Lust, plaisir, Sehnsucht, nostalgie, Wanderer, le voyageur, mot-clef de la lyrique allemande. Démarche utile mais quelque peu utopique car les sens varient selon l'époque et le musicien : le mot Lust n'as pas le sens de «plaisir» dans le contexte du lied sublime Nacht und Traüme (La nuit et les rêves) de Schubert lui donne plus le sens de félicité, tout comme Wagner le mettant dans la bouche d'Isolde qui meurt en le prononçant. La traduction signée Hélène Boisson de cette poésie germanique, ou de la poésie étrangère traduite en allemand, répond à la double exigence d'exactitude et de lyrisme et sait trouver le ton juste, le rythme, notamment dans le Volkslied. Félicitations, car l'épreuve est redoutable. L'introduction, magistrale, suit l'évolution de ces chants depuis les origines qui se confondent avec celles de la langue, trois siècles avant la nôtre, forgeant l'âme germanique enracinée profondément dans la tradition populaire elle-même inséparable du sentiment religieux comme de l'amour panthéiste de la nature. L'unité de cette culture, le détachement de la raison de l'Aufklärung au profit du Sturm und Drang, des passions apparaissent à travers les textes. Mais surtout, les textes regroupés sont là por nous faire pénétrer le Lied dans son rapport fusionnel trop, négligé des mots et de la musique. Délices que de les lire, dans leur densité en entendant en soi les mélodies, de mieux comprendre celles-ci dans leur intensité.

Tout autre chose que la lecture du texte sur une pochette de disque ou un programme (quand il y est !) pour suivre «ce que ça veut dire», et qui laisse échapper ce qu'il transmet. Cette démarche peut donner une seconde vie aux concerts de Lieder, moribonds en France, malgré les remarquables émissions de Stéphane Goldet et les excellents ouvrages signalés dans la bibliographie, dont le sien, le premier sur  ; la discographie est inutile, internet est là, et l'on y regrette l'absence d', même si elle a peu enregistré, et surtout de . On s'étonne de ne pas trouver das Lied von der Erde de . Le classement alphabétique des compositeurs est discutable. Mais ce monument doit encourager les auteurs et d'autres à publier TOUS les Lieder. Il s'agit d'une démarche nécessaire et urgente dans le cadre de l'Europe culturelle.

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