- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Rachmaninov par le bouillant Svetlanov

De plus en plus de labels proposent des enregistrements d', entraînant pas mal de confusions par leurs datations souvent peu précises, et les phalanges utilisées : des imprécisions existent entre, parmi d'autres, les «Orchestre Symphonique d'État de l'URSS» et «Grand Orchestre Symphonique de la Radio-Télévision de l'URSS» qui sont parfois interchangeables pour un même enregistrement ! Et pour compliquer les choses, il existe d'une même œuvre des enregistrements publics et en studio, toujours avec ces mêmes imprécisions de dates (le plus souvent limitées à l'année) et d'orchestre. Tout cela est très décevant et peu rigoureux…

Quoi qu'il en soit, le label anglais Regis a apparemment entrepris la publication d'une intégrale orchestrale de , dont le disque sous rubrique constitue la parution la plus récente. Il convient de souligner la remarquable qualité sonore de cette édition (excellents transferts de Paul Arden-Taylor, de Dinmore Records), compte tenu du fait que les captations soviétiques de l'époque étaient rarement un modèle du genre.

Dans les années 60, Svetlanov grava pour Melodiya une intégrale studio des symphonies de Rachmaninov (rééditée en CD par BMG-Melodiya). La Symphonie n°3 (1936) y était exécutée par le Grand Orchestre Symphonique de la Radio-Télévision de l'URSS. Le grand chef russe refit cette intégrale en octobre 1995 avec l'Orchestre Symphonique d'État de la Fédération de Russie, publiée chez Warner dans le cadre de sa somptueuse Édition Officielle Svetlanov. Curieusement Evgueni Svetlanov n'a inclus dans aucune de ses deux intégrales l'unique premier mouvement de la Symphonie en ré mineur «Jeunesse» de 1891 révélé par Vladimir Ashkenazy (Decca) et Dmitri Kitaenko (Melodiya – Le Chant du Monde).

Par ailleurs la version ici présentée de la Symphonie n°3 n'est ni de l'une, ni de l'autre intégrale : il s'agit en l'occurrence d'une captation publique réalisée en 1968. On y retrouve les sonorités si caractéristiques des ensembles soviétiques de l'époque : cuivres vibrants à la limite de la saturation et de la stridence dans les forte, révélateurs d'une exécution portée à son paroxysme dans les climax. La reprise du premier mouvement en forme-sonate n'est pas effectuée.

Aleko (1892) fut sous forme d'opéra en un acte l'étonnant «travail de fin d'études» de Rachmaninov en tant qu'étudiant au Conservatoire de Moscou. Evgueni Svetlanov nous en offre quatre extraits orchestraux : Introduction, Danse des femmes, Intermezzo, Danse des hommes.

Le Rocher (ou La Falaise, 1893), dédié à Rimski-Korsakov, impressionna Tchaïkovski au point qu'il demanda la permission à Rachmaninov de le diriger dans une future tournée européenne qui malheureusement n'eut pas lieu, puisque Tchaïkovski mourut cette même année 1893.

Enfin le Scherzo en ré mineur est l'œuvre pour orchestre la plus ancienne connue de Rachmaninov : le manuscrit en est daté du 5-21 février 1888, soit d'un auteur de 14 ans ! C'est un certain Lamm qui en a établi l'édition dont nous entendons le résultat ici.

Evgueni Svetlanov interprète tout cela avec un dynamisme éclatant, une extrême clarté et une vitalité intense non exempte de rudesse, car il affectionne les explosions de cuivres. Ni la distinction ni les raffinements ne sont pour lui un but en soi, mais son tempérament est plus porté vers la vigueur, vers une vision exacerbée qui réduit peut-être l'art de Rachmaninov à être trop proche de celui de Tchaïkovski. Il n'empêche que cette conception est défendue de manière péremptoire par un Orchestre Symphonique de l'URSS qui répond admirablement à ses moindres intentions.

Il convient de citer les précédents CDs de musique orchestrale de Rachmaninov par Svetlanov parus chez Regis : Danses symphoniques op. 45, Le Prince Rostislav, Capriccio sur des thèmes tziganes en mi mineur op. 12 (RRC1178) ; Symphonie n°1 en ré mineur op. 13, L'Île des Morts op. 29 (RRC1247). Pour la Symphonie n°2 en mi mineur op. 27, Regis a choisi la version extraordinaire de Guennadi Rojdestvensky à la direction d'un Orchestre Symphonique de Londres particulièrement inspiré (RRC1210).

(Visited 419 times, 1 visits today)