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A 23 ans, Chiara Skerath, une révélation

Le génie du librettiste Arrigo Boïto et la verve musicale de Verdi, donnent une dimension dramatique à son Falstaff de loin supérieure à celle de ces Joyeuses Commères de Windsor qu' a tiré, cinquante ans plus tôt, de la farce de Shakespeare.

Il faut louer le Stadttheater de Berne d'avoir monté cet opéra comique alors qu'il aurait été commercialement incontestablement plus payant de montrer le chef d'œuvre verdien.

Si Nicolaï reste au plus près de l'intrigue de Shakespeare, son livret s'embarrasse de personnages annexes rendant le discours théâtral plus difficile à régler qu'il ne peut l'être chez Verdi. Dans sa mise en scène, le jeune metteur en scène Gerald Stollwitzer raconte cette histoire avec un talent remarquable. En transposant la trame de cette comédie à une époque récente, en utilisant parfaitement le matériel humain à sa disposition, il caricature à gros traits chacun des personnages. Ainsi chacun prend un plaisir théâtral immense à fourbir le comique à tous les instants. A ce jeu, la présence scénique épatante de la soprano (Frau Fluth alias Mrs. Quickly) agit en véritable catalyseur de l'esprit de comédie qui règne sur le plateau. Menant l'intrigue avec autorité, elle habite son personnage avec un entrain communicatif parfait. Une scène qui s'accommode parfaitement de chanteurs-acteurs plutôt que de grandes voix d'opéra. Ainsi alors qu'on attend un personnage à l'obésité légendaire, Sir John Falstaff () apparaît en homme quelconque bien à l'image que doit en donner le metteur en scène à la voix usée de la basse allemande. Si elle ne lui permet malheureusement plus d'exprimer totalement le lustre que la partition d' donne à son Falstaff conquérant, à soixante-douze ans, ne peut plus être le séducteur de Shakespeare. Gauche, pathétique, son Falstaff ne suscite plus la colère de ses conquêtes ou de ses rivaux, mais juste une profonde compassion.

Colonel d'armée, Herr Fluth alias Ford (Gerardo Garciacano) est bousculé en tous sens par sa femme qui ne supporte pas sa jalousie. Là encore, l'idée d'en faire personnage contrasté, un militaire se démontant totalement dès qu'il sent que sa femme risque de se jouer de lui, est une jolie trouvaille. Les autres personnages sont tout aussi idéalement remarquables, à l'image du prétendant Junker Spärlich (Jan Martin Mächler) dont la caractéristique de cette production est de s'endormir sur place à peine a-t-il chanté une phrase. Au point de devoir être réveillé par le chef d'orchestre lui-même !

En dehors des gags et des grosses ficelles qui parsèment sans vulgarité la soirée, la musique de Nicolaï délivre des instants de belle poésie. Comme avec les deux jeunes amants qui déjoueront l'opposition de leurs parents à leur union. Deux amoureux magnifiquement interprétés tant au point de vue théâtral que vocal par un (Fenton) très en verve et la révélation féminine de cette soirée, la soprano (Anna Reich alias Nanetta). Ne ménageant pas la santé d'une voix magnifique, la très jeune soprano (elle n'a que 23 ans !) convainc par un phrasé soigné, des aigus lumineux et une belle intelligence de lecture théâtrale. Sa romance Wohl denn, gefasst ist der Entschluss est un moment de pur bonheur. Une chanteuse des plus prometteuses. A suivre !

Couronnant le plaisir de cette belle production, le offre une musique bien sentie et parfaitement déliée montrant une partition qu'il apprécie et que le chef dirige avec beaucoup de sensibilité.

Crédit photographique : (Frau Fluth), (Sir John Falstaff) ; Christa Ratzenböck (Frau Reich), Günter Missenhardt (Sir John Falstaff), (Frau Fluth) © Annette Boutellier

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