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Béatrice et Bénédict, pour rendre à Shakespeare ce qui est à Shakespeare

Le Grand-Théâtre de Luxembourg a eu la bonne idée de reprogrammer la merveilleuse production de Béatrice et Bénédict déjà vue à l'Opéra-Comique il y a deux ans, donnant ainsi l'occasion de redécouvrir l'ingénieux spectacle alors conçu par et .

Si l'excellente réécriture du livret – fort médiocre – autrefois conçu par Berlioz assure désormais à l'œuvre la cohérence qui lui a tant manqué tout au long de sa carrière théâtrale, la mise en scène contribue pour sa part à faire de cet ouvrage un véritable petit bijou d'humour, d'ironie et de distanciation. Car si l'on a pu de par le passé contester la valeur dramatique de Béatrice et Bénédict – action plate, convenue et peu convaincante, faible contenu poétique du livret… –, la sublime musique de Berlioz valait bien quant à elle une telle relecture.

L'action se voit ainsi transposée dans un théâtre de marionnettes actionnées par le nouveau personnage d'Alberto, au rôle entièrement parlé, qui a été rajouté à l'intrigue. Le jeu extrêmement stylisé des interprètes crée toute la mise à distance nécessaire pour apprécier le propos un rien décalé de la comédie shakespearienne, et du coup même l'accent assez fortement marqué des interprètes non francophones prend désormais tout son sens, tout il est en parfaite adéquation avec la délicate artificialité du décor, des jeux de scène et des costumes, mais aussi – «last but not least» – des maquillages extrêmement subtils et raffinés.

La distribution réunie sur le plateau du Grand-Théâtre reste d'excellente tenue, largement dominée par la magnifique Béatrice de . Cette dernière maîtrise maintenant parfaitement son rôle, offrant au public une prestation digne de la Janet Baker des grands jours. À quand Didon des Troyens, à quand les grands rôles du Gluck (Alceste, Iphigénie, Orphée…. ) ? Nouveau venu dans cette reprise, le ténor campe un Bénédict convaincant sur le plan scénique, mais parfois en prise avec la tessiture assez élevée de son rôle. Les autres interprètes, tous rescapés des représentations parisiennes, sont toujours aussi investis et convaincants dans leur personnage, avec une mention toute particulière pour le vétéran – plus de 80 ans, tout de même ! –, acteur consommé, comme on en voit peu sur les scènes théâtrales de nos jours, et toujours aussi bon chanteur. Quelle belle leçon de chant et de théâtre !

À la tête de son orchestre, retrouve avec un plaisir manifeste la belle partition de Berlioz, à laquelle le chœur de chambre Les Eléments apporte tout son savoir-faire. Il est vrai qu'avec la déconstruction de la répétition et la restitution de l'épithalame des jeunes mariés, la musique aura été particulièrement mise à la fête tout au long une soirée manifestement destinée à célébrer autant les yeux que les oreilles.

Crédit photographique © Pierre Grosbois

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