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Caligula par Nicolas Le Riche, l’insoutenable légèreté de l’être

La vie de Caligula rassemble tous les ingrédients du plus captivant des romans : de Suétone à Albert Camus, le mythe n'a jamais cessé d'inspirer écrivains et metteurs en scène.

Le danseur étoile signe avec Caligula son premier grand ballet. Créée en 2005 et reprise pour la troisième fois sur la scène du Palais Garnier, l'œuvre est le fruit d'une collaboration avec le dramaturge Guillaume Gallienne.

privilégie une version délibérément subjective et intuitive de l'histoire. Il voit en Caligula un héros habité par l'ivresse dionysiaque, «quelqu'un qui a besoin de sentir». Construit à la manière d'une tragédie racinienne, le ballet est structuré en cinq actes entrecoupés d'interludes de pantomime. Pendant symbolique des quatre années de règne de l'Empereur, la partition se fonde sur les Quatre Saisons de Vivaldi.

interprète le rôle-titre du ballet. Son formidable investissement dramatique permet de souligner la nature complexe et ambivalente du tyran. Etre Empereur, pour Caligula, c'est jouir de la liberté et n'en faire qu'à sa tête. Il n'entend pas satisfaire aux exigences de l'Empire et a furieusement envie de vivre. Pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Dans sa quête de plaisirs nouveaux, il va toujours trop loin. exprime l'inconstance, la dépravation, la folie. Il campe un Caligula aussi monstrueux qu'émouvant. Car ses exigences violentes ne parviennent pas à masquer son mal-être et une conscience aigüe du tragique de l'existence. Si libre, il est aussi très seul. La fragilité affleure chez cet être qui n'a pas eu le temps de grandir. Il inspire l'effroi, mais aussi la pitié. Comment ne pas être touché par cet homme amoureux de l'inaccessible, qui vénère son cheval et rêve de partager sa couche avec la Lune ? Sa danse, lyrique et arachnéenne, frôle sans cesse l'état de grâce. sait restituer à la figure controversée de Caligula ce qui lui manque le plus : une part d'humanité.

incarne avec beaucoup de grâce et de délicatesse la Lune, le fantasme qui habite l'imaginaire de Caligula. Elle apporte douceur et tempérance à cet univers peuplé d'excès.

campe avec maestria le mime Mnester. Le langage de son corps est plus éloquent que n'importe quel discours. On reste suspendu à sa gestuelle abstraite et puissante. C'est beau, très beau.

est un Chaerea fragile et désenchanté, comme abîmé par la vie.

Quant à , il imprègne son rôle, celui du cheval Incitatus, de poésie, de tendresse et de compassion.

Cette relecture du mythe de Caligula est dense et profondément originale. La chorégraphie, affranchie de toute convention, est nerveuse, voire fulgurante, avec des portés novateurs et des ensembles toujours en effervescence. Cette frénésie est encore accentuée par le contraste avec des passages plus lents, tels les adages et les interludes de pantomime, durant lesquels le temps semble être suspendu. Dans Caligula, lyrisme et tragique se tiennent par la main, avec un traitement résolument moderne et esthétique du sujet.

Crédit photographique : Mathieu Ganio ; et Mathieu Ganio © Laurent Philippe / Opéra national de Paris

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