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Une mécanique parfaitement huilée à Nancy pour les Noces

En reprenant sa production de 2006 des Nozze di Figaro, l'Opéra national de Lorraine s'est assuré des salles combles car le chef-d'œuvre de Mozart fait toujours recette. L'intérêt en était ravivé par une distribution presque totalement renouvelée.

Bien que retravaillée par Bérangère Gros, la mise en scène de Jean Liermier a peu changé et les commentaires que nous en faisions en 2006 restent d'actualité. A son crédit, un sens accompli de la dramaturgie et une extrême finesse de direction d'acteurs assurent une parfaite lisibilité et une crédibilité totale aux chassés-croisés et multiples rebondissements de cette «folle journée», rendant ainsi hommage à la perfection de la mécanique théâtrale conçue par Beaumarchais et Da Ponte. On déplore cependant toujours l'absence de l'atmosphère prérévolutionnaire de la pièce originale, ici transposée dans les années trente du siècle dernier, et le manque de lyrisme du dernier acte qui passe des bosquets et frondaisons du parc aux profondeurs humides d'une cave à vins.

Moins d'individualités marquantes mais une plus grande homogénéité, en particulier dans les rôles de second plan, ce pourrait être la caractéristique de cette nouvelle distribution qui fait la part belle aux jeunes chanteurs et se montre soucieuse d'adéquation physique entre les interprètes et leurs rôles. André Morsch déborde de vitalité en Figaro chauffeur de maître, offre le grain superbe d'une voix magnifiquement timbrée dans le médium et l'aigu mais peine à rendre sonore une registre grave plus éteint, comme le démontrent par exemple les «Il resto nol dico» de son air du IVème acte. réussit une fort jolie Susanna, actrice impliquée bondissant à l'aune de son Figaro, et n'omet pas de se faire rêveuse et poétique pour l'air des marronniers ; l'aigu encore un peu vert et la puissance parfois limite ne demandent qu'à s'affirmer. En Comte, impressionne toujours par ses réserves de puissance et ses accès de violence – presque trop pour ce rôle-ci – mais sait aussi soigner les nuances dans les récitatifs. Himori Omura reprend le rôle de la Comtesse qu'elle interprétait déjà en 2006 et confirme les progrès déjà décelés en Desdemona ; le timbre s'est arrondi, l'aigu a perdu son caractère métallique et s'est libéré, lui autorisant désormais des sons filés et des messe di voce sans faille et une reprise de «Dove sono» murmurée et intériorisée qui met la salle en apesanteur.

Incontestable et accompli, le Chérubin d' l'est par la vraisemblance du travesti et la gaucherie feinte de l'actrice comme par la richesse du timbre, arrondi d'un discret vibratello, et les frissons des amours adolescentes qu'elle sait faire passer dans ses deux airs. Tout aussi magnifique et applaudie, la Marcellina de Kleopatra Papatheologou, quoique physiquement trop jeune pour le rôle, s'impose par la magnificence d'une voix de mezzo opulente et puissante non dénuée d'agilité ; déjà remarquée en Melibea du Voyage à Reims, les grands rôles de travesti du Rossini serio lui sont désormais ouverts. Toujours convaincant dans les rôles de demi caractère, est impeccable en Basilio mafieux et fourbe. Avec d'aussi bons chanteurs, l'idée est excellente d'avoir rétabli leurs airs du IVème acte trop rarement donnés («Il capro et la capretta» pour Marcellina et «In quegli anni» pour Basilio). Enfin, en Bartholo, Bruno Praticò est toujours aussi truculent mais désormais à bout de voix.

A la tête d'un concentré et soignant ses timbres, impose une direction nette et tranchante, d'une indéniable énergie, manquant toutefois d'originalité et d'humour. Il obtient ainsi une impeccable cohésion des ensembles et assure la motricité du spectacle. Et on lui sait gré d'avoir su retenir tempo et puissance orchestrale pour des moments-clés de la partition comme l'air de Susanna ou le magique duo «Canzonetta sull'aria».

Crédits photographiques :  © Ville de Nancy

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