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Mahler biodégradable par Jonathan Nott

 

Après Michael-Tilson-Thomas et David Zinman, voilà un nouveau représentant du Mahler conceptuel tel qu'il est devenu à la mode ces derniers temps ! En effet, , chef indubitablement excellent, semble  prendre un malin plaisir à expurger de la Symphonie n°3 toute forme de drame ou de tension ou même de subjectivité. Tout apparaît architecturalement hyper-clair, avec une précision chirurgicale dans le soin apporté aux nuances et aux détails instrumentaux. Cette lecture de concert de la plus longue des symphonies de Mahler est donc garantie biodégradable, sans sucres ajoutés, sans le moindre bourrelet  de graisse mais sans doute trop fade ou neutre pour séduire nos tympans et notre esprit.

Le portique d'entrée de cette imposante partition est pourtant bien rendu, avec ce qu'il faut de majesté et de profondeur, mais le chef, à force de fignoler le détail pour le détail, en perd le fil conducteur et fait de ce mouvement, comme du reste de la symphonie, une succession de micro-évènements (un peu comme Simon Rattle dans la Symphonie n°2). Même si, l'intellect est stimulé par certaines options comme le gros plan sur les flûtes enjôlées et virevoltantes du cinquième mouvement, il manque à cette lecture un véritable vécu et un souffle qui la transporte inéluctablement  vers un horizon plus humain au-delà de cette simple et unilatérale distanciation du message mahlérien. De toutes les symphonies de Mahler c'est certainement celle qui nécessite le plus d'investissement personnel ! Toute lecture intellectuelle a tendance à s'y égarer (comme celle de David Zinman).

L'orchestre est, comme toujours excellent, et n'est pas pris en défaut des exigences techniques de cette œuvre. La prise de son, assez froide, restitue bien l'amplitude orchestrale mais à tendance à sous-valoriser les cuivres et les vents  par rapport aux cordes graves et aux percussions.

Techniquement irréprochable dans son respect quasi-maniaque des intentions du compositeur, ce disque peine à rivaliser avec l'excellence des Tennstedt (EMI), Bernstein (DGG), Haitink (Philips), Abbado (DGG par deux fois à Vienne et Berlin) sans oublier le mésestimé Edo de Waart (RCA). Si l'on cherche un Mahler intellectuel, il est préférable de se tourner vers Boulez (DGG) qui bénéficie des timbres du Philharmonique de Vienne. Cette nouvelle lecture vient hélas, aux côtés de Nagano (Teldec), Salonen (Sony) ou Tilson-Thomas (Avie) grossir les rangs des lectures contemporaines à oublier.

 

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