- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Berlin, Mahler, Symphonie n°8

Climax de la « Musikfest » de Berlin, cette soirée s'inscrit également dans le cadre du cycle Mahler entamé par les Berliner Philharmoniker et leur directeur musical .

Ce cycle célèbre de manière fastueuse cette double année anniversaire (le 150e de sa naissance en 2010 et le 100e de sa mort en 2011). Nous avons ainsi pu goûter à la démonstrative symphonie n°8 dans le cadre confortable dela Philharmonie berlinoise. Sans surprise, la salle produit à ce jour le même impact sur le mélomane qu'au jour de son inauguration en 1963 et n'est pas prête de perdre son statut de « salle de référence ». Fruit du courant de l'architecture organique et réalisée sans l'aide de modèles acoustiques informatiques, l'oeuvre de Hans Sharoun reste une démonstration brillante à laquelle devraient encore se référer bon nombre de nouvelles constructions.

A l'image des précédents concerts de ce cycle, avait apporté un soin particulier à la sélection des pièces destinées à précéder l'exécution de la symphonie de Mahler. Ainsi, pour illustrer la tradition de la polyphonie classique ayant une influence importante dans l'écriture de la Symphonie n°8, le Rundfunkchor de Berlin interprétait le Crucifixus d'. Ensuite, Spem in Alium, motet de se voulait une démonstration des premières expériences de spatialisation de la musique. Le chœur berlinois, d'une précision chirurgicale, emporte notre admiration par le talent de chacune des individualités qui le composent. Spem in Alium ne donne pas l'impression d'être chanté par un chœur, mais bien par quarante solistes de haut vol. L'ensemble est remarquable dans la qualité des attaques et la stabilité des phrasés. Bien qu'à priori inattendues, ces deux pièces formaient une subtile préparation à l'oeuvre de Mahler, où les voix et le chœur  deviennent des parties intégrantes de l'orchestre. Mahler n'avait-il pas parfaitement résumé sa symphonie par cette question qu'il adressait à un correspondant: « Pouvez-vous imaginer une symphonie qui est chanté partout, du début à la fin?« …

Les accords de l'orgue remplissant la salle marquent le début de la symphonie à grand spectacle. Les deux chœurs réunis étaient disposés sans surprise derrière l'orchestre, tandis que le chœur de garçons était réparti en deux groupes placés à gauche et à droite de l'orchestre. Les trompettes et trombones supplémentaires, renforçant le final du Veni, Creator Spiritus apparaissent quant à eux dans le plateau disposé en hauteur de la salle, opposé à celui de la régie technique. C'est de ce même espace que s'élève en deuxième partie la voix dela Mater gloriosa. L'ensemble des solistes appelle bien des éloges. nous a séduits par son timbre limpide et l'aisance manifeste dans la projection des aigus. Elle forme avec un duo « Soprano I & II » appréciable. Chez les hommes, nous retenons la prestation de . Déjà remarqué sur le disque de Boulez sorti en 2007, le ténor reste toujours aussi investi et passionnant à écouter.  Les autres voix sont tout aussi agréables. Notre seule réserve concernant la soprano III , à la voix plutôt effacée.

Les chœurs sont impériaux tout au long de la partition. Le chœur de garçons est discipliné et volontaire, mais la diction manque souvent de tonus.

Quant à Rattle, il mène ses troupes avec beaucoup de maîtrise. Nous avons pu relever par instant de légers décrochages entre l'orchestre et les solistes masculins, mais ces petits défauts restaient tout à fait excusables dans le cadre d'une exécution de concert. Le Veni, Creator Spiritus est soigneusement mis en place. L'orchestre ne néglige aucun détail de l'orchestration tout en conservant une maîtrise dans la tension du discours musical, de son souffle. On se régale aussi des interventions solistes du Konzertmeister, particulièrement en verve. La lecture de Rattle n'évite cependant pas une malheureuse tendance à accélérer les tempi en même temps que les dynamiques augmentent. On repense alors que dans son enregistrement paru chez Harmonia Mundi, Kent Nagano avait fait la brillante démonstration que la Symphonie n°8, malgré son déferlement de décibels, autorise que l'on prenne son temps pour chanter la musique. La seconde partie de la symphonie souligne la beauté du son de l'orchestre berlinois. Les chefs de pupitres font des merveilles chez le bois. Les cordes affirment un son d'une grande profondeur donnant corps à l'atmosphère très dense de cette introduction. Les parties « ascensionnelles » ( Accende lumen et Blicket auf ) trouvent en Rattle un excellent conteur. Magnifiquement préparés et largement rompus à cet exercice, les chœurs emportent le final vers des sommets dans une balance parfaitement équilibrée avec les effectifs orchestraux. Les traits de célestas précipités et le décalage entre les cuivres externes à l'orchestre sur les derniers accords de l'œuvre ne nous permettent pas de qualifier la soirée d'exceptionnelle, mais de presque parfaite…

Crédit photographique : /DR

(Visited 128 times, 1 visits today)