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Anima Eterna sans éclat. Thomas Bauer et Pascal Amoyel exceptionnels

Les deux légendes écrites pour piano ne sont sans doute pas les meilleures transcriptions que Liszt a opérées pour l'orchestre ; en effet, celles-ci insistent d'une manière un peu trop conventionnelle sur les oppositions entre Nature et Foi, entre révélation et ignorance. L'orchestre Brugge n'a pas ressenti le souffle sacré qui est sensé parcourir ces deux œuvres qui sont par ailleurs d'une naïveté touchante : les oiseaux, interlocuteurs de Saint François sont, dès le début, plus enclins à la cacophonie qu'au pépiement ; à chacun de comprendre qu'ils ne sont pas encore touchés par la grâce de la prédication… Saint François de Paule marchant sur les flots est mieux servi par un côté épique qui met les cuivres en valeur, mais curieusement, la progression de la marche est rendue d'une façon artificielle qui enlève toute sa grandeur à cette pièce. La Rhapsodie hongroise n°3 qui suit nous plonge dans l'ennui le plus profond : à ce style de musique devrait revenir l'esprit de fantaisie, un sens feint de l'improvisation, des tempi qui se bousculent, des accélérations qui font battre le cœur… Là tout est comme figé, comme codifié : en bref, le contraire de la vie !

Il n'en est heureusement pas de même avec le baryton . Celui-ci enchaine les quatre Lieder d' avec conviction, expressivité, et une parfaite maîtrise des textes : pourtant les trois premiers sont des plaintes sur les thèmes de la solitude et de la faute, et s'opposent radicalement au cri de révolte de Prométhée. Mais le chanteur passe d'une expression à l'autre sans faillir, et d'une voix ample et sans accrocs dans toute l'étendue de sa tessiture.

Le dialogue entre le piano et l'orchestre dans Totentanz décrit, grâce à , une sorte de défilé grandiose des morts de toutes les couches sociales. La virtuosité du pianiste est ébouriffante, les glissandos et les octaves volent, le passage lent est tout plein de méditation : là nous avons vraiment conscience de plonger dans l'univers lisztien. Le piano Erard datant de l'année de la mort de Liszt possède une sonorité un peu métallique qui n'est pas sans rappeler celle du cymbalum, et cela tombe plutôt bien ; les mains du pianiste touchent l'instrument comme le font les baguettes de l'instrumentiste : avec une précision et une vélocité féroces.

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