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Turandot à Munich, un show bigarré

et ses musiciens sauvent une soirée sans éclat où la mise en scène devient un show bigarré.

« Il a toujours raison » : ainsi s'exprime le metteur en scène en parlant de , avec qui il a déjà souvent travaillé et qui l'amène ici à faire ses débuts à Munich. L'événement n'est pas négligeable : c'est la première fois que prend la responsabilité d'une première d'opéra à Munich depuis qu'il n'est plus directeur musical de l'Opéra de Bavière où il a toujours continué à diriger des concerts. On aurait pourtant aimé savoir ce que pense vraiment le chef ainsi célébré d'une des idées phares de la production, celle de munir les spectateurs d'un accessoire à la mode : l'opéra n'aurait-il toujours été qu'en deux dimensions qu'il soit ainsi nécessaire de recourir à des lunettes spéciales pour le faire accéder à la troisième dimension ?

est une petite entreprise qui marche. Qu'il s'agisse d'organiser la cérémonie d'ouverture de Jeux Olympiques, de mettre en scène les grandes mondanités des plus puissantes entreprises du monde ou d'occuper les yeux des spectateurs d'opéra, elle sait servir un cocktail à la fois toujours différent et toujours identique à base de machineries spectaculaires, d'acrobates et de figurants en perpétuel mouvement, avec un atout essentiel : le moindre centime dépensé se voit immédiatement. Ce premier spectacle à Munich ne fait exception : ne s'y ajoutent, outre la 3D, que des patins à glace et la couleur locale chinoise. raconte en effet comment cette mise en scène a commencé à se dessiner dans son esprit lorsqu'il dut se rendre à Shanghai pour concevoir, à la demande du gouvernement chinois, une performance pour l'exposition universelle de 2008.

Padrissa sait parfaitement que, dans un tel contexte, il est de son devoir de se montrer critique envers le gouvernement chinois, ce qu'il fait du moins dans son texte du programme ; Turandot, assimilée à la dictature chinoise actuelle, est donc opposée à Liù, représentante d'une Chine éternelle douce et accueillante. Cela, sans doute, sonne comme un cliché – mais quelle réelle subversion, dans ces conditions, pouvait-on attendre ? Des clichés, il en pleut à verse pendant tout le spectacle, des idéogrammes aux costumes traditionnels en passant par les enseignes lumineuses de la mégalopole : il n'était pas besoin de se rendre sur les bords du Yang-tsé si c'était pour s'en tenir à ce que n'importe quel reportage télévisé sait synthétiser en dix minutes.

Pendant ce temps, pendant qu'une agitation perpétuelle et des vidéos qui, de tout le spectacle, ne sollicitent les lunettes 3D et leur crépitement de papier aluminium que pendant cinq minutes perturbent l'attention du spectateur, les chanteurs laissés à eux-mêmes se réfugient en avant-scène, où ils ont d'autant plus intérêt à se placer que la profondeur d'une scène sans fond les privent d'une caisse de résonance essentielle. Aucune indication scénique ne leur a visiblement été donnée, à tel point qu'on se croirait presque revenu aux temps passés de Franco Zeffirelli ou de Jean-Pierre Ponnelle : tout pour le décor, et les chanteurs en rang d'oignon en avant-scène. Ce n'est pas l'opéra de demain, et ce n'est même pas l'opéra d'aujourd'hui.

La distribution de cette première très attendue n'aide pas vraiment à rendre la soirée passionnante, d'autant qu'elle est absurdement fragmentée par deux entractes d'une demi-heure chacun. Parmi les trois interprètes principaux, seul se tire avec les honneurs de son rôle, malgré un aigu peu avenant à la fin de son air. Le timbre pourrait être plus séduisant, la projection plus assurée, mais l'essentiel est là. Tandis que la Liù scolaire et acide d'Ekaterina Shcherbachenko s'oublie instantanément, déconcerte d'emblée : le format, sans doute, est adéquat, la justesse sans problème majeur, mais il faut en passer par un timbre perçant qui tient parfois lieu de projection, et surtout s'accommoder d'une interprétation monolithique, où la diction pâteuse ne permet aucune nuance.

On en viendrait presque à croire que le choix de cette distribution n'a d'autre but que de rendre plus éclatant le triomphe de l'orchestre porté par Zubin Mehta et d'un chœur qui n'a pas toujours été, ces dernières années, aussi éclatant que ce soir. L'ancien maître de maison dirige vigoureusement, sans alanguissements, mais avec un sens du détail instrumental et des nuances dynamiques qui fait que même les plus puissantes orgies sonores restent de la musique. On peut sans doute considérer que Puccini aurait à gagner à être interprété avec un peu plus de retenue ; du moins la clarté du geste orchestral de Zubin Mehta emporte-t-elle l'adhésion avec une efficacité redoutable.

Crédit photographique : © Wilfried Hösl

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