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A Lausanne, La Grande Duchesse gagne le public

Un beau succès. Et bien mérité. Dans cette nouvelle production, réussit la difficile gageure de montrer une œuvre de divertissement avec beaucoup de finesse malgré les « grosses ficelles » de l'intrigue.

Racontant le livret avec clarté et entrain, jamais il n'oublie ni l'époque, ni le compositeur . Dans cette charge contre les pouvoirs, de l'armée, de la noblesse, sa Grande Duchesse de Gerolstein aurait pu tisser des parallèles avec notre société actuelle. Sagement, il choisit de rester proche de l'essence de l'œuvre et d'en favoriser l'expression du charme de la musique d'Offenbach. Ainsi, avec un Général Boum en véritable général d'opérette avec tout cela comporte d'excès dans la voix et dans l'attitude, et des soldats en véritables troufions, le choix du metteur en scène permet à La Grande Duchesse de Gerolstein de gagner l'enthousiasme du public. Tout au plus s'est-t-il permis le luxe d'imaginer sa Grande Duchesse en femme dominatrice avec cravache à la main, frac noir et chapeau-claque, sorte d'Ange Bleu alias Marlène Dietrich.

L'intention d' était de montrer l'intrigue dans un théâtre détruit par la guerre et dont les quelques vestiges auraient servi à chacun à se changer en comédien pour créer une mise en abîme de l'opéra-bouffe d'Offenbach. Si le décor (Amélie Kiritzé-Topor) est bien en phase avec l'intention du metteur en scène, c'est ce dernier qui s'éloigne de son idée première. Ainsi, le décor aurait pu être tout autre sans que les scènes en aient été autrement bouleversées.

Il faut dire qu'en dehors des principaux protagonistes, beaucoup de personnages s'agitent sur scène dans un ballet paraissant complètement désordonné mais finalement réglé dans ses plus petits détails. Artisan magnifique de cette agitation, le chorégraphe orchestre ses ouailles à la perfection. Mélangeant le Chœur de l'Opéra avec ses danseurs, il propose des images variées, vivantes, souvent hilarantes, comme dans l'air d'entrée du Général Boum « Pif, paf, pouf, tara pa poum » ou lorsque tous les soldats sont soufflés jusqu'à se voir renversés à 45° quand le général hurle ses ordres

Si Omar Porras et son chorégraphe inculquent parfaitement l'esprit de l'œuvre d'Offenbach dans ces ensembles, ils réussissent moins bien avec la plupart des solistes. Le métier, la vaste expérience scénique d'un (Le Général Boum) lui permet de tirer son épingle du jeu. Tout comme (Le Prince Paul) facétieux à souhait dont les « trucs » scéniques qu'il répète à l'envi continuent néanmoins à faire mouche. On se souviendra longtemps de son désopilant numéro de demande en mariage fait à la Duchesse quand, costumé d'une grande cape surmontée de deux ailes d'anges et flanqué de deux anges gardiens dont l'un renverse tout sur son passage et l'autre fait des acrobaties se terminant par des chutes, il occupe la scène d'une irrésistible faconde.

Si ces deux personnages sont, avec le Chœur de l'Opéra de Lausanne, totalement dans l'esprit de la comédie d'Offenbach, les autres protagonistes restent empruntés face à cette farce. Non pas qu'ils déméritent vocalement mais, n'est pas comédien de vaudeville qui veut. Ainsi, (La Grande Duchesse) ne profite pas pleinement du personnage que le metteur en scène a taillé pour elle. Souvent en dedans d'une pointe de sadisme qui aurait été bienvenu, la mezzo française semble trop sage pour son personnage. Vocalement, la personnalité particulière de sa voix semble ne pas convenir à la comédie. Ainsi, peu crédible dans le fameux « Ah ! Que j'aime les militaires », elle n'est que meilleure dans sa romance finale « Dites-lui » où la couleur sombre de sa voix convient parfaitement au lyrisme de cet air.

Si le ténor (Fritz) s'acquitte de son rôle très honorablement, s'il tient crânement la distance de son rôle, s'il impressionne par la facilité apparente avec laquelle il s'acquitte des pièges de la partition, son manque d'expérience scénique l'empêche d'épouser pleinement la comédie. Quant à elle, la soprano (Wanda) laisse une belle impression sur sa prestation vocale. Scéniquement, elle reste crédible dans son rôle d'amoureuse temporairement éconduite.

La complicité du , très en verve, dirigé par un beau complice de la scène, n'a fait qu'ajouter à la plaisante réalisation lausannoise.

Crédit photographique : Béatrice Urai-Monzon (La Grande Duchesse) ; Béatrice Urai-Monzon (La Grande Duchesse), (Le Prince Paul), Marcin Habela (Le Baron Grog), (Le Baron Puck), (Le Général Boum) © Marc Vanappelghem

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