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Furia de Raphaël Cendo

Avec la même radicalité que Lachenmann mais en empruntant une voie opposée, s'attaque au « son philharmonique » qu'il veut ruiner (l'une de ses pièces s'intitule Décombres) en le portant jusqu'à l'excès, « jusqu'à sa destruction, jusqu'au vertige ». Les cinq pièces de ce premier album monographique du compositeur, paru sous le label Æon, en témoignent expressément. Démarche esthétique autant que politique, son travail avec le son saturé (distordu, fendu, brouillé, parasité…) engage également l'interprète, acteur de la transe furieusement sonore qu'il entretient jusqu'à la perte de contrôle. « Il ne s'agit plus de prévoir mais de se perdre » précise le compositeur.

Décombres (2006) pour tubax et électronique, réalisé dans le cadre du cursus de composition et d'informatique musicale à l'IRCAM, fait ici figure de manifeste. Dans Furia, qui donne son titre à l'album, le piano et le violoncelle assument les rôles multiples d'instruments à cordes frappées, pincées et frottées – à la faveur de multiples modes de jeu – et donnent la (dé)mesure de cet univers sonore subversif et prodigieusement inouï.

Tract pour huit instruments éprouve jusqu'au paroxysme le matériau, très loin des limites du jeu instrumental, pour atteindre « l'hors-cadre, et l'hors-son », des catégories liées à une autre perception du sonore que revendique le compositeur dans son approche théorique de la saturation. Menée sur la matière homogène du quatuor à cordes, l'écriture de In Vivo – stupéfiant – laisse mieux encore apprécier l'inventivité et la dimension virtuose qui président à son élaboration, mettant à l'oeuvre, par gradations subtiles, « l'infra et la micropoly-saturation ». Charge pour huit instruments et électronique qui ouvre cet album est une pièce composée d'un seul tenant. La plus longue à ce titre, elle est aussi la plus aboutie, dans le sens de l'articulation formelle, du travail des textures (contrepoint saturé) et de la diversification d'un matériau que l'électronique vient ici subtilement colorer.

Servi par une captation exemplaire, l' dirigé par confond par la qualité d'une interprétation prodigieusement « offensive » qui ne laisse pas d'impressionner.

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