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Herbert Blomstedt – Till Fellner à Pleyel

L'entente entre l' et le chef suédois semble au beau fixe si on en croit la réaction plus que chaleureuse des musiciens à la fin du concert et si on se fie au calendrier, puisqu'après un concert Bruckner l'an passé, le voilà réinvité à la tête de l'orchestre pour ce programme Beethoven Strauss, avant de revenir les deux prochaines saisons. Avec lui c'est l'expérience qui s'exprime dans un répertoire aujourd'hui très classique allant, chronologiquement et musicalement de Beethoven à Strauss. Et pour ces soirées de début d'année c'est le pianiste autrichien qui était chargé d'ouvrir le feu, puisque comme chacun sait, le concerto n°4 de Beethoven débute par l'intervention du piano solo contrairement à la tradition d'une introduction orchestrale établie jusqu'alors.

Avec ces deux musiciens, au style finalement assez proche, le concerto ne risquait pas d'être écartelé et c'est véritablement « de concert » que pianiste et chef entamèrent l'Allegro moderato sur un tempo prenant le temps de dérouler majestueusement la phrase beethovénienne sans jamais la brusquer ni la secouer. On comprit qu'on avait là une interprétation élégante et classieuse, sereine et majestueuse, chantante et harmonieuse, plus que dramatique, nerveuse et contrastée. Les phrasés simples et naturels, dénués de toute sophistication hors de propos, accentuaient la sensation de confort musical que délivrait cette interprétation, qui, si elle réussit à ne jamais tomber dans la monotonie, aurait pu ici où là, accentuer un peu plus la dynamique ou jouer plus franchement sur les contrastes de tempo, deux leviers utilisés plus que discrètement ce soir, ce qui sera plus sensible à partir du développement du premier mouvement qui aurait du trancher un peu plus avec l'exposition. L'orchestre, dans une formation à quarante cordes, offrit un accompagnement idéalement équilibré au jeu d'une dignité aristocratique (sans doute viennoise) tout en douceur de . Conservant imperturbablement leur cap jusqu'à la fin, pianiste et chef nous offrirent un Andante con moto au cantabile harmonieux avant d'enchainer avec un Rondo certes plus vivace que tout ce qui a précédé, mais toujours impeccablement moderato, ce qui avait l'avantage de conserver une indestructible cohérence à tout le concerto mais ne lui donnait pas une fin jubilatoire comme souvent.

Après un entracte un peu plus long que prévu, la faute à une trappe récalcitrante retardant l'engloutissement du piano sous la scène, Blomstedt lança ses troupes à l'abordage des différents épisodes du poème symphonique Une vie de héros avec le même souci de ne pas en rajouter à une partition déjà très riche. On y sentait comme une pudeur expressive qui, si elle ne dénaturait pas l'œuvre, la tira plus franchement vers la musique pure que vers le poème symphonique à programme, lui retirant un poil de caractère, en particulier lorsque le compositeur décrit quasi explicitement certains personnages, dont la saveur spécifique était ce soir moins accentuée au profit d'une continuité du discours, fort bien tenue, il faut le reconnaître. Ainsi les adversaires du héros, qui défilent les uns après les autres, étaient moins identifiables qu'idéalement, et le violon solo de , sensé croquer la compagne du héros, n'essaya pas de trop adoucir son jeu et du coup composa un personnage moins féminin qu'ailleurs. Cette volonté constante de ne jamais pousser trop loin l'expression, favorisant la qualité des phrasés plus que l'intensité du discours, alliée à une performance de haut niveau de l'orchestre, nous donna néanmoins une version assez magistrale de ce poème symphonique, comme du concerto de Beethoven juste avant, dans les deux cas un poil distanciée quand même.

Crédits photographiques : © Peter Mathis (photo n&b), Jean Babtiste Millot (photo couleur)

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