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Kát’a Kabanová de sang et d’eau à Strasbourg

Après Jenůfa en 2010 et L'Affaire Makropoulos en 2011, Marc Clémeur poursuit son cycle Janáček mis en scène par avec Kát'a Kabanová, une production de l'Opéra des Flandres reprise à Milan ou Barcelone (où elle a fait l'objet d'une captation pour le DVD) mais offerte ici pour la première fois au public français.

La flatteuse réputation et la fortune critique de ce spectacle ne sont certes pas usurpées car y parvient à une épure qui touche au sublime. Tout s'y déroule sur l'eau qui envahit tout l'espace scénique, celle de la Volga où Kát'a finira par se jeter, tour à tour agitée comme les passions qui hantent les esprits ou étale tel un miroir des âmes. La virtuosité du jeu sur les reflets ou sur les ondulations aquatiques que s'échangent les protagonistes, la rapidité et la précision des changements de configuration des caillebotis sur lesquels se déplacent les chanteurs, déplacés pas l'armée des doubles de l'héroïne et qui se sont suicidées comme elle par noyade, le rôle majeur confié aux éclairages constamment évolutifs dans la création des atmosphères, tout est stupéfiant de beauté et de pertinence. colle au plus près de l'écriture cinématographique de Janáček et la donne littéralement à voir en une alternance de fondus enchaînés, fondus au noir, champs-contrechamps, gros plans ou plans larges.

Mais cet écrin ne serait que vain esthétisme s'il n'était habité par des caractères de chair et de sang, déchirés entre leurs pulsions et le poids de la morale et des règles sociales. L'Opéra du Rhin y aligne une distribution remarquable d'homogénéité et d'intelligence. La Kát'a d' est impressionnante de force et d'endurance ; habitée, possédée dès le début par la révolte qui l'emportera, moins « évolutive » ou fragile qu'à l'accoutumée, elle y dispense des aigus tranchants comme des poignards ou flottants comme ses rêves de liberté. Face à elle, la Kabanicha de éructe ses imprécations et distille son venin avec subtilité, moins ogresse que victime elle aussi de sa psychorigidité. en amant inconséquent et en mari trompé se rejoignent idéalement dans la lâcheté et la fadeur de leurs personnages, le premier plus viril, le second plus sensible et sincèrement aimant. campe un formidable Tikhon, tout de noirceur et de brutalité. Enfin, le radieux et solaire Koudriach d'Enrico Casari et la malicieuse et souriante Varvara d' apportent le parfait contrepoids de bonheur aux déboires du couple principal.

L', sous la direction racée et fine de , soigne les couleurs instrumentales et l'immatérialité des textures, assure sans faiblir la motricité de la rythmique mais manque toutefois d'ampleur pour embraser comme il se devrait les grands élans lyriques de la fin de l'acte I ou du duo d'amour du II.

Crédit photographique : © Eric Kaiser

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