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Haut de gamme pour Cosi fan Tutte à Turin

Autant avait convaincu la critique et le public dans sa reprise de la mise en scène de pour La Bohème au Teatro Regio de Turin, autant celle du Cosi fan Tutte créé par en 2003 n'enthousiasme pas.

Peut-être que la mise en scène originale du cinéaste ne permettait pas une direction d'acteurs aussi libre que celle que Borrelli semble avoir bénéficié dans l'opéra de Puccini.

Reste qu'autant Borrelli réussissait à générer une ambiance formidable et vivante entre les protagonistes de La Bohème, autant ici il peine à entrer dans la comédie mozartienne. Étrangement, il ne parvient pas à sortir du cadre rigide de l'aspect miroir imprimé par la mise en scène conventionnelle d'. Les gestes de Fiordiligi se calquent sur ceux de sa sœur Dorabella et ceux de Guglielmo sur ceux de Ferrando. Même les deux personnages « électrons-libres » que sont Don Alfonso et Despina semblent parfois prisonniers de cette convention.

Pourtant, tout appelle à la réussite totale. Les magnifiques décors (Luciano Ricceri) comme les très beaux costumes (Odette Nicoletti) respectent pleinement le lieu et l'époque durant laquelle se déroule l'intrigue, Naples au 18e siècle. Les scènes sont bien découpées avec ses changements de tableaux respectueux de l'intrigue mozartienne. Un rideau de scène peint d'une plage devant la baie de Naples tombe et se relève pendant qu'on change le décor d'arrière scène. Un dispositif permettant à l'action de se poursuivre sans interruption. Mais la sauce théâtrale ne prend pas.

Sur le plateau, une distribution « haut de gamme ». En absence de véritable jeu de comédie, on chante face au public. Mozart reste toutefois l'enchanteur qui, inconsciemment peut-être, sera applaudi par le public. Il faut dire qu'il est bien servi avec une Carmela Remiggio (Fiordiligi) toute en finesse vocale, en douceur estivale, en velouté gracieux. Peut-être aurait-on aimé que son « Come scoglio » aurait pu se chanter avec majeure conviction pour souligner son désir indéfectible de fidélité. Tout comme le « Per pietà, ben io, perdona » du second acte chanté avec une souci du beau chant qui laisse à croire que la honte que Fiordiligi-Remigio ressent n'est pas aussi profonde que les mots de Da Ponte l'affirme. Reste que la voix de la soprano italienne charme toujours autant.

 abord le ténor (Ferrando) convainc pleinement. Sa voix sombre lui permet d'aborder ce rôle loin des caricatures vocales généralement attribuées aux ténors mozartiens. Puissant, souple, maniant le discours vocal avec aisance, avec d'étonnants et bienvenus accents « pavarottesques » dans les aigus, le ténor britannique affirme un réel plaisir à son chant.

Après une dizaine d'années passées sur les scènes étatsuniennes, le baryton (Guglielmo) revient dans son pays de naissance faisant ses « nouveaux » premiers pas sur la scène de Turin. La voix parfaitement posée, régalant son chant avec une simplicité vocale digne des plus grands récitalistes, il charme sans effets inutiles. Magnifique ! Légère déception du côté de la soprano (Despina). Quoique sa prestation reste très honnête, elle ne possède malheureusement pas la voix (ou les voix) du rôle. Manquant sensiblement de piquant, elle s'acquiert de son rôle sans en offrir tout le sel.

Dans la fosse, l'orchestre du Teatro Regio en formation réduite semble complice indirecte de la convention scénique. Habituellement brillant, ici il apparaît un peu terni par la direction sans panache du jeune chef . Ayant dirigé cet opéra en novembre dernier à Minnesota avec une distribution anglo-saxonne, peut-être que de se trouver face à une distribution essentiellement italienne lui a fait manquer le train de l'italianité de cette œuvre.

Crédit photographique : (Fiordiligi), (Dorabella), (Don Alfonso) / (FLaura Polverelli (Dorabella), (Fiordiligi), (Don Alfonso), (Despina), (Guglielmo), (Ferrando) © Ramella&Giannese / Fondazione Teatro Regio di Torino

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