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Alcina à Versailles : la séduction opère

Lors de cette seconde journée du Festival Haendel à Versailles (après un passionnant Orlando) l'éblouissement est monté d'un cran avec une Alcina qu'on n'est pas prêt d'oublier.

En effet à la tête de son ensemble Les Talents Lyriques reprend avec bonheur une œuvre qu'il connaît bien pour l'avoir maintes fois mise à son répertoire (on se souvient notamment de son interprétation à la Cité de la Musique de Paris en février 2003 avecla même Karina Gauvindéjà dans le rôle d'Alcina). Son orchestre, d'une bonne tenue d'un bout à l'autre de l'ouvrage, avec une ouverture au rythme effréné et une inattendue « triste fine », davantage en accord avec le drame (le chef a volontairement omis le chœur de réjouissance final prévu par le compositeur).

Neuf ans après, la voix de est encore plus épanouie, plus consistante et crémeuse, lui permettant de magnifier un rôle qui lui sied dorénavant idéalement. En grande tragédienne, la soprano canadienne sait véhiculer d'une voix suave tantôt quasi blanche et délicate tantôt corsée et véhémente les sentiments d'une Alcina tout à la fois amoureuse, blessée ou révoltée. Et comme si cela ne suffisait pas, chacun de ses da capo vient intensifier une prestation qui donne le frisson.

Mais c'est le Ruggiero d' qui impressionne plus encore. Chacun de ses airs est un tour de force en soi, virtuose et spectaculaire, elle culmine dans un grandiose « Sta nell'Ircana ». Plus surprenant encore, on se met même à se passionner par les récitatifs, d'habitude ennuyeux aux oreilles du public, chaque mot ou inflexion possède une ardeur, une expression des plus subtiles rendant son personnage éminemment crédible.

Avec un air dans chaque acte, la Bradamante de se montre d'une farouche opposition àla maléfique Alcina, prête à tout pour récupérer son Ruggiero notamment dans un foudroyant « Vorrei vendicami » aux vocalises de feu. Attention décharge électrique !

Le point faible de la distribution revient à la soprano Monica Piccinini, qui même avec une honnête prestation, montre les limites de sa voix, surtout face à l'aisance vocale insolente de ses partenaires. Dans le rôle de son amant Oronte, le ténor pare son personnage d'un timbre chaleureux, et même si quelques notes aiguës lui font défaut, sa prestation est fort appréciable. Enfin, dans les rôles secondaires la soprano Erika Escriba et le baryton-basse , respectivement Oberto et Melisso ont accompli un travail satisfaisant.

Malgré quelques points discutables, cette Alcina frise la perfection au regard des rôles principaux, notamment avec criante de vérité et une poignante . Le public n'est pas prêt d'oublier ces deux-là !

Crédit photographique : Karina Gauvain (c) DR

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