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Chapeau bas pour le triplé tchèque de Mariss Jansons à Berlin

Juste après avoir entendu l'orchestre bavarois de dirigé par Esa-pekka Salonen, nous avions l'opportunité d'entendre le chef letton diriger le Philharmonique de Berlin, lui-même entendu peu avant salle Pleyel sous la direction de Gustavo Dudamel puis de son chef Simon Rattle ici même à la Philharmonie.

Presque une boucle bouclée due aux hasards du calendrier, qui nous permet d'avoir une illustration de l'empreinte imposée par le chef sur la formation qu'il dirige.

En effet, si, lors de son concert parisien  nous eûmes la sensation que Dudamel dirigeait un orchestre marqué par son chef actuel, alors que son style de direction tirait vers l'orchestre de Karajan, on eut clairement l'impression ce soir que l'orchestre berlinois était corps et âmes celui de , tellement son style de jeu et le son qu'il produisit ressemblait comme un frère à ce que le Concertgebouw ou le Bayerischen Rundfunk nous font entendre lorsqu'ils sont sous la baguette de leur chef titulaire. C'est-à-dire probablement le plus grand et beau son d'orchestre qu'on puisse entendre aujourd'hui, harmonieux, équilibré, puissant et expressif à la fois. Et si nous avions dit à propos de la Walkyrie de Simon Rattle que l'orchestre « atteint à certains moments des cimes inaccessibles au commun des orchestres », il fut sur ces mêmes cimes de la première mesure de l'Ouverture de La Fiancée vendue et y resta jusqu'à l'ultime accord de la Symphonie « Du Nouveau Monde » qui conclut cette soirée à marquer d'une pierre blanche, consacrée à la musique tchèque avec trois œuvres de Smetana, Martinů et Dvořák à l'orchestration quasi identique, puisqu'on y retrouve les bois par deux, quatre cors, trois trompettes et trois trombones, à quoi s'ajoutent selon les œuvres un piccolo, un cor anglais et quelques percussions.

Il faut dire que le Vivacissimo qui lança le concert captura instantanément l'attention du public qui, quelques minutes plus tard ne put s'empêcher de pousser des « ouah ! » d'admiration tellement ces quelques sept minutes montrèrent ce qu'un grand orchestre et un grand chef sont capables de faire quand ils sont à leur sommet. Bien sûr la formidable virtuosité des cordes sauta aux oreilles lorsque chaque groupe, seconds violons d'abord, premiers ensuite et ainsi jusqu'aux contrebasses, se lancèrent dans la course poursuite du début de l'ouverture, qui, toute virtuose à souhait qu'elle fût, donna néanmoins le frisson tellement on était pris dans l'action. Et ainsi jusqu'à la fin de cette ouverture dont se dit qu'on venait d'en entendre une version difficilement surpassable.

Après ce début sur les chapeaux de roues, nous retrouvions le violoniste allemand pour le trop rarement programmé Concerto pour violon n°2 de , créé en 1943 par Mischa Elman pour qui il a été composé et le dirigé par Serge Koussewitzky. Il est à noter qu'avant cette série de concerts il n'avait jamais été joué par l', mais cela ne s'est pas vraiment entendu tellement les instrumentistes semblaient à l'aise avec cette musique fondamentalement lyrique voire romantique dont ils maitrisèrent les difficultés avec maestria. Lyrique, c'est également le premier qualificatif qui vient à l'esprit en écoutant le violon magnifiquement chantant et profond du soliste, qui en d'autres circonstances nous a parfois laissé une certaine sensation de froideur, mais certainement pas ce soir, où son Stradivarius « Lady Inchiquin » de 1711 ne nous a jamais semblé aussi lumineux. Les trois mouvements, presque classiques, du concerto s'écoulèrent ainsi comme une évidence sous l'archet précis et inspiré du violoniste et la baguette souple et vivante du chef.

Pour ceux qui connaitraient l'enregistrement RCO Live de la Nouveau Monde par , il nous suffira de dire que la version de ce soir en fut proche par la conception toute en souplesse, originale et personnelle du chef, avec ses tempi assez contrastés adaptés à chaque section, mais encore meilleure par une force de conviction plus évidente en direct qu'en disque, et une qualité de réalisation superlative. Il y aurait mille détails à souligner tant cette version nous parut riche en événements, au point qu'une seule écoute ne pourrait en épuiser les ressources dans une œuvre pourtant bien rabâchée. Ce n'était donc pas une parmi tant d'autres, interprétation de ce tube de la musique symphonique que nous venions d'entendre ce soir, mais sans doute une authentique grande et mémorable exécution, comme ce fut le cas pour les deux autres œuvres de ce superbe programme tchèque, ce qui n'échappa manifestement à personne dans la salle si on en croit l'enthousiasme des applaudissements d'un public qui refusa de quitter la salle alors que l'orchestre l'avait déjà désertée.

Crédits photographiques :  BR/Astrid Ackermann

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