- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Trois créations par l’Ensemble Ictus à Musica

L'Ensemble belge Ictus que dirige , est une des phalanges les plus investies dans le domaine de la création sonore. L'excellent concert qu'il donnait à Musica, sur la scène de la Cité de la Musique, en témoignait aisément, avec trois créations, françaises et mondiale, qui suscitaient autant d'espaces d'interprétation singuliers.

Du compositeur et organiste italien , la merveilleuse Ballata n°2 (2012) pour ensemble instrumental fait logiquement suite à une Ballata n°1 (2011) écrite pour orgue, ensemble et électronique. Le titre fait référence au genre poétique ou à la chanson à danser de l'héritage italien qui sans doute nourrit la poétique sonore d'un musicien original et raffiné, attaché au timbre dans un rapport presque tactile au son;  » … un squelette léger mais riche de sons presque mécaniques produits par des mains qui touchent et caressent les instruments…  » selon les propos de son maître qui rendent compte assez justement de l'univers de Balatta n°2. Les instrumentistes font tourner des rhombes à différentes vitesses, soufflent dans des appeaux ou agitent des crécelles, autant d'événements sonores insolites et colorés qui apportent une texture vibrante et à fleur de souffle. Filidei ménage cependant des contrastes d'énergie assez étranges, durcissant le geste instrumental puis le déliant subitement avec une plasticité étonnante.

L'univers de ne revendique ni la transparence ni la délicatesse des textures. Il n'en est pas moins redoutablement efficace lorsqu'il est porté par une dramaturgie comme en témoigne son opéra Massacre. Sans doute ce support a-t-il manqué à la pièce de la soirée. Au flux instrumental un rien bavard et profus de Little Smile s'adjoint une partie électroacoustique à haut voltage dans un mix improbable et passablement ennuyeux dans la mesure où la trajectoire sonore ne se renouvelle guère durant les 22 minutes de musique.

Très attendue, la création mondiale de , Carbone – une matière pure comme le diamant nous dit-il – laissait prévoir du spectacle et des décibels. Sans décevoir les attentes, Cendo s'attaque ici au genre concertant, flûte contrebasse, trompette et guitare solistes « rayonnant » sur l'ensemble instrumental: « un défi constant entre la matière et les limites digitales du trio » précise le compositeur. Côté cour, il y a l'imposante flûte contrebasse et toute l'énergie de côtoyant son collègue et trompettiste , tous deux membres permanents de l' ; ils sont munis d'un micro-lèvres qui va capter à la source le phénomène saturé « monstrueux » et l'impact physique résultant de l'excès de jeu, excès de son recherché par Cendo. A jardin, , guitariste hors norme dont la prestation ce soir alliait à la beauté du geste une virtuosité phénoménale sollicitant les modes de jeu les plus efficaces pour projeter la matière sonore saturée. Dans un contexte de polysaturation où les solistes semblaient l'emporter sur l'ensemble, tout aussi vaillant mais un peu en retrait (problème de balance à la console?), Cendo articule une trajectoire sans faille qu'il tend jusqu'aux dernières pages de la partition révélant l'une des plus belles codas de ce fin stratège qui ne laisse de surprendre.

Crédit photographique : © Jean Radel

(Visited 292 times, 1 visits today)