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Au Festival Musica, colloque Hans Zender : composer au-delà

Après le colloque Bernd Aloïs Zimmermann que l'Université de Strasbourg proposait en octobre 2010 dans le cadre de Musica (cf notre chronique), c'est le compositeur, pianiste et chef d'orchestre (né en 1936), présent durant la manifestation, qui était cette année au centre de l'étude du colloque international « Composer au-delà » organisé par le GIS « Mondes germaniques » et l'Université de Strasbourg, sous l'égide de Pierre Michel et dans les locaux du Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg. Il mobilisait la participation d'éminents chercheurs et musicologues tels que Jörn Peter Hieckel, Ulrich Mosch, Martin Zenck et Pierre Michel lui-même qui contribue activement à faire connaître la personnalité multiple de .

Peu présent sur la scène française – on y a tout de même entendu sa fameuse réécriture du Winterreise de Schubert – est cependant une des grandes figures de la pensée et de la création musicale d'aujourd'hui. Fortement impressionné dans sa jeunesse par les personnalités de Zimmermann et de Boulez, Hans Zender se détache progressivement de ses pairs pour développer ce qu'il nomme « une pensée pluraliste » et devient « l'un des premiers compositeurs à s'approprier de façon productive le concept de postmodernité » selon les propos du spécialiste Jörn Peter Hiekel: ce qui frappe en effet dans son travail, c'est une grande variété des orientations stylistiques et une attitude qui tend à le porter au-delà des horizons connus. Dans ce qu'il appelle ses « morceaux japonais », Hans Zender fait l'expérience d'une temporalité qui le fascine et s'approprie la pensée et les valeurs du Zen. Ses réécritures de quelques chefs d'oeuvre de l'héritage (instrumentation des Préludes de Debussy, Winterreise de Schubert, version orchestrale de Schumann-Phantasie et 33 Veränderungen über 33 Veränderungen) appartiennent à ce groupe d'oeuvres qu'il nomme ses « interprétations composées ».

En collaboration avec le , un concert lui était entièrement consacré, qui invitait dans la Salle de la Bourse l' avec qui Hans Zender a beaucoup collaboré. Après la projection d'un film sur la phalange de Francfort, « Quand la scène brûle… », réalisé par Manfred Sheyko, les musiciens sous la direction de interprétaient en création française Issei no Kyô (2008-2009) pour soprano – – et ensemble. L'oeuvre tourne autour du célèbre maître Zen Ikkyu qui retrace le moment d'une illumination. Hans Zender lui emprunte un texte en quatre strophes qu'il fait chanter en quatre langues, allemand, japonais, français et anglais en évitant tout emprunt sonore à l'univers asiatique.

La seconde oeuvre, entendue également en création française, a été composée pour l'Ensemble Moderne en 2011. 33 Veränderungen über 33 Veränderungen est une nouvelle « interprétation composée », cette fois sur les Variations Diabelli opus 120 de Beethoven : « J'ai eu envie de tenter une nouvelle fois cet exercice d'équilibriste » confie le compositeur; « La relation entre l'ancien et le nouveau est toujours telle que le nouveau finira toujours par l'emporter; il n'y a qu'une seule manière d'éviter cet écueil : planer sans crainte au-dessus de l'abîme de l'histoire ». L'oeuvre oscille en effet entre transcription et réappropriation, l'écriture étant remodelée par les timbres ( incluant un accordéon) ou réduite à un simple squelette rythmique dont toute couleur est effacée. L'oeuvre, fascinante à bien d'un titre, était interprétée ce soir avec un engagement et une qualité de sons qui forçaient l'admiration.

Crédit photographique : Hans Zender © Wolfram Lamparter

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