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Verlaine, un jardin d’été et Paris la nuit, quel programme Delius !

La France est enfin au programme du voyage proposé par , après les belles escales au Danemark, en Norvège et en Angleterre. Ce quatrième volet, comme les trois précédents, enrichit de belle façon la discographie du compositeur en offrant une interprétation sensible, une chaleur sensuelle qui manquait aux enregistrements anglais des années 1960-1990.

In a Summer Garden fait partie des œuvres emblématiques de l'art de Delius, concis, envoûtant, où la nature et le sentiment sont inextricablement entremêlés. Composée en pleine maturité, en 1908, dédiée à sa femme, elle est une évocation du jardin de leur maison de Grez-sur-Loing, qui était selon un témoin de l'époque couvert de fleurs et formait un kaléidoscope de couleurs. voit dans cette pièce envoûtante non pas une aimable promenade mais un cheminement psychologique qui descend profondément dans les sentiments (lire notre entretien). Holten s'oppose en cela à l'interprétation récente de Barry Wordsworth avec le London Symphony Orchestra, qui déploie un luxe de jolies sonorités pour une visite guidée de jardins (Collins Classics) : c'est somptueux, descriptif et… plat, et une bien mauvaise façon d'interpréter cette musique. Aux côtés de Beecham, plus tendu et animé, s'inscrit en haut de la discographie.

Les cinq poèmes de Verlaine mis en musique par Delius l'ont été pour piano, avant que trois d'entre eux soient orchestrés par Philip Heseltine, ami et disciple du compositeur. Composés entre 1895 et 1931, ils ne constituaient pas un cycle de mélodies, mais avec l'orchestration de Chanson d'automne et Avant que tu t'en ailles par Bo Holten en 2011, ils sont pour la première fois ensemble dans leur version orchestrale. Il ne fait pas de doute que l'orchestre met en valeur ces mélodies, et que cette association Delius/Verlaine est extrêmement convaincante. La lune blanche, placée en milieu de cycle en constitue l'apothéose, avec ses subtils changements de climat et son balancement extatique, tandis que Avant que tu t'en ailles, achevée par un Delius paralysé, permet de conclure sur une pièce plus sophistiquée et virtuose, plus ouverte aussi. n'a pas la clarté de la prononciation française qu'on souhaiterait entendre sur de tels poèmes (Felicity Lott, enregistrée en 1983 avec le Royal Philharmonic Orchestra et Eric Fenby montre ce qu'il est possible de faire dans Le ciel est par-dessus le toit – Unicorn-Kanchana), mais ce regret est compensé par un timbre chaleureux et une adéquation avec la direction sensuelle et subtile de Bo Holten.

Le poème orchestral Paris, première œuvre de maturité de Delius, vient de connaître une version de référence avec Andrew Davis et le Royal Scottish National Orchestra (Chandos). Moins brillante et accomplie techniquement dans les climax de l'œuvre, l'interprétation de Bo Holten a pour atout de s'attacher à la dimension psychologique et nocturne de l'œuvre, qui est au cœur de son titre original: « Paris, A Night Piece – The Song of a Great City ». Là où Andrew Davis souligne l'influence foisonnante de Richard Strauss, Bo Holten annonce le Delius introspectif de la maturité.

Un album indispensable aux déliens et aux amateurs de mélodies avec orchestre.

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