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Un Barbier de qualité à Saint-Étienne

C'est toujours un grand événement que d'assister à un opéra de Rossini dirigé par . Même pour l'opéra le plus connu du compositeur, ce diable de maestro, suivi par un orchestre en état de grâce, parvient à nous faire découvrir des sonorités nouvelles, des détails jusque-là insoupçonnés, une conception toujours en mouvement.

Cette direction exceptionnelle suffirait presque à elle seule à faire un beau concert, mais pour notre plus grand bonheur, la distribution, avec de très jeunes chanteurs dans les rôles principaux, est d'un excellent niveau.
, nominé aux espoirs des Victoires de la musique classique, est un beau baryton, vaillant de timbre, avec une émission claire et incisive, qui n'a rien à envier à ses glorieux ainés. Il est de plus de ces chanteurs qui se transforment et irradient dès qu'ils montent sur scène. Il est ainsi méconnaissable en Figaro des temps modernes, cheveux longs et complet blanc. est l'autre espoir du jeune chant français, dont on parle de plus en plus. Joli mezzo au timbre riche, au phrasé gracieux et à la diction parfaite, elle dessine une Rosina encore enfant, plus explosive que rouée, plus terrifiée que revendicative. Il faut dire que son tuteur Bartolo est un être cauteleux, malsain, loin du comique pur dont on a l'habitude. Son interprète, Giulio Mastrototaro, fort bon acteur, est encore un peu clair de timbre pour lui donner suffisamment d'épaisseur vocale.

est un jeune ténor à la voix sucrée, qui se défend fort bien dans les roulades du comte Almaviva, et qui délivre un « cessa di piu resistere » impeccable. Il manque cependant de puissance. Wojtek Smilek est un Basilio de routine, Françoise Delplanque une Berta qui sort du lot, et d'un abattage certain, un luxe en Fiorello et Frédéric Foggieri un hilarant officier.

Pour nous offrir un spectacle parfait, le Grand Théâtre de Saint-Étienne a fait venir une production décoiffante de l'Opéra de Genève. L'action se situe de nos jours dans une rue espagnole comme il y en a tant, avec des maisons aux murs ocres délavés, parfois tagués, et un bar à tapas. Des gens ordinaires – le chœur, très impliqué et bon acteur – y défilent, consomment au comptoir, ou étendent du linge aux fenêtres, prêts à se précipiter dans la demeure du centre, celle de Bartolo, au moindre événement. Celle-ci pivote pour nous en faire découvrir toutes les pièces, avec certaines actions secondaires qui ne nous laisserons rien ignorer de la vie sentimentale de Berta, ou des difficultés de concierge d'Ambrogio. Le mécanisme est diabolique, d'une précision huilée, et nous entraine tout naturellement dans la confusion qui clôt le premier acte.

Oui, décidément, ce Barbier est « di qualita » !

Crédit photographique : © Cyrille Cauvet

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