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Québec : La Vie parisienne, feu partout

La Vie parisienne de est une oeuvre à part dans l'immense production du compositeur.

C'est l'opéra-bouffe qu'on ne pourrait réduire à une simple farce. Certes, on fait feu de tout bois pour éblouir et décontracter les plus blasés des spectateurs. Mais l'opéra recèle des trésors d'imagination théâtrale et n'est pas avare d'émotions sensorielles pour satisfaire les plus exigeants des mélomanes. On peut s'amuser, rire et être ému. La mise en scène est intelligente et inventive avec sa brochette de chanteurs-acteurs de tout premier plan. Une recette gagnante concoctée par l'Opéra de Québec.

D'emblée, tous contribuent au succès de la pièce. Les choeurs de l'Opéra de Québec participent et jouent admirablement bien leur rôle. Ils s'imbriquent à merveille dans un puzzle minutieux, imaginé par . Au premier acte, la foule bigarrée de la gare du chemin de fer de l'Ouest est chorégraphiée et réglée au quart de tour ; au deuxième, lors de la table d'hôtes, une faune cadavérique semble tout droit sortie des catacombes. Au troisième acte, les femmes de chambre qui en ont vu d'autres, caricaturent plus vrai que nature les manies de leurs maîtresses. Et que dire du finale du quatrième ! Une explosion de joie. On ne s'ennuie pas une minute pendant les quatre actes qui vont toujours crescendo. Une direction d'acteurs d'une grande rigueur qui donne un résultat étonnant : une sorte d'hyper-réalisme outrepassant la fiction ! Et tout cela se fait avec bon goût et diligence.

Dans ce maelström irrésistible de tournoiements et de situations cocasses, sans doute est-il hasardeux de relever ce qui appartient à la gouaille et aux qualités vocales des chanteurs-acteurs. C'est un lot, il faut tout prendre, comme le suggère Alfred au tout début de l'ouvrage. Faisons la part belle aux uns et aux autres. La soprano habite à la perfection le personnage de la gantière Gabrielle. Femme désirable, certes, mais jamais vulgaire, cela transparaît dans les deux duos – je suis la gantière, je suis le bottier (avec Frick d'Hugues Saint-Gelais) et De la Gantière et du Brésilien (avec ). Retenons surtout son air sa robe fait froufrou froufrou. Le couple de suédois, formé par Monique Pagé et le baryton-basse Robert Huard – on garde en mémoire son duo avec Pauline (Judith Bouchard) l'amour est une échelle – sans oublier son jeu d'acteur émérite.

Si Votre habit a craqué dans le dos fait tant rire, c'est qu'il est la caricature des grands airs d'opéras de l'époque d'Offenbach. Cela rejoint l'homme à la pomme, ô ciel ! de la Belle Hélène – autre scie inévitable qui parodie le Grand Opéra à la française. Le ténor Éric Thériault en fait un morceau d'anthologie. Un peu plus (ou un peu moins) et on le prendrait au sérieux !

Le Brésilien du ténor – personnage haut en couleurs – un rastaquouère tout droit sorti d'un lupanar carioca, se déhanche et semble avoir le diable au corps dans son air, je suis brésilien, d'une irrésistible drôlerie avec ses mouvements saccadés qui rappellent la samba. Dommage que le rôle soit si court. Il en va de même pour Métella de la soprano Nathalie Paulin, personnage pourtant central mais qui peine un peu à se démarquer. Bobinet d'Éric Thériault et Gardefeu de Patrick Malette sont d'une complicité confondante. C'est par eux que tout arrive. Nos deux compères vite réconciliés décident de partir à la chasse aux femmes du monde. Que ne ferait-on pas pour un peu d'amour ? Les deux chanteurs-comédiens sont excellents dans leur rôle respectif. Enfin, Bertrand Alain en maître d'hôtel donne un Fermons les yeux de grande classe.

Tous les éléments sont mis en oeuvre, décors, costumes, éclairages, projections sur fond de scène et contribuent à cette grande réussite.

Dans la fosse, dirige d'une main vigilante l'Orchestre symphonique de Québec. Belle complicité avec les solistes et les choeurs sur scène.

Une pièce pétillante comme du champagne par les grands soirs de fête. Que du bonheur.

Crédit photographique : © Opéra de Québec

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