Disons-le d'emblée, tout net, cette collaboration entre Barcelone, San Francisco et Lyon, vocalement percutante ici, fait diablement mouche !
Car, tout simplement, précise, explicite, dégraissée, enlevée, bref aboutie, elle sait aller droit au but. Inutile de ressasser l'historique du livret, les structures de ces Contes. Une poule n'y retrouverait pas ses petits. Fort heureusement, notre collègue Catherine Scholler, elle, les y aura retrouvés pour nous (cf : Les Contes d' Hoffmann, Pleyel, 2012).
C'est la version Michael Kaye/Jean-Christophe Keck qui prévaut ici ce soir, assaisonnée, mais si peu, de Choudens et d'Oeser. Les dialogues sont ceux écrits par Agathe Mélinand (dramaturge) pour Lausanne (2005), rabibochés pour Barcelone (février 2013). Les décors, sobres, austères (discrets) de Chantal Thomass, bleu-gris, sombres ou noirs, faits de ces panneaux coulissants qui peuvent alors réduire ou élargir un espace que ne renierait aucunement l'Alice de Lewis Carroll, fonctionnent à plein. Les costumes, sont, eux, noirs, bourgeois, haussmanniens. La mise en scène, incisive et fervente, quasi minimaliste, toute simple, raconte. Pelly laisse alors le fantastique aux vestiaires et rapporte, sans fard aucun, les illusions et divagations, les désirs et les doutes d'un vieil ivrogne, lunatique et dépressif, poète à ses heures, en mal de femme.
La voix fraîche et lyrique de Hye Jung Lee (Olympia) surprend agréablement mais certains suraigus stratosphériques manquent singulièrement de stabilité et de justesse. Engagée, l'Antonia de Natalie Dessay, qui aborde le rôle avec intelligence et sérieux, émeut de bout en bout. Les dialogues sont soigneusement « dits »… La voix, lumineuse, à l'aigu tendre et franc, sait aussi se faire chambriste lorsque'il le faut. La Giulietta d'Irene Roberts, tout comme la Stella de Jacqueline Piccolino, convainc. Leurs voix sont sensuelles et riches, opulentes. Matthew Polenzani, mal engagé, déçoit en début de parcours : une émission réduite, un chant raide, un aigu tiraillé, font craindre le pire.
Notre Hoffmann saura se ressaisir dès l'acte 2 et soudain charmeur, puis impérieux, voire imposant, tirera son épingle du jeu. La voix solide et bien forgée, au timbre prenant, négociera alors ses propos, après un prologue et un acte 1 bancals, avec éloquence et punch. A signaler également l'excellent Christian Van Horn, Méphisto de classe, l'excellente Angela Brower. Le reste de la distribution ne dépare certainement pas. Le choeur, souvent fracassant, la direction limpide, superbement lisse, efficace, de Patrick Fournillier, participent pleinement de ces Contes. La dernière strophe de la chanson de Kleinzach à l' acte 5 boucle la boucle. Tout est fin clair. Tout est fin compris. Rideau !… et au diable le fantastique !