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Maazel et Vienne lancent la saison symphonique du TCE

N'ayant peur de rien le Théâtre des Champs-Élysées lançait en cette soirée du 11 septembre sa saison symphonique avec un sommet, la plus grande Huitième symphonie du répertoire, défendue par rien moins que son orchestre créateur, le Philharmonique de Vienne qui, le 18 décembre 1892 assura, sous la direction de Hans Richter, la création de la version révisée par . Et à la tête de la phalange viennoise, rien moins que .

Il y a moins de trois ans, le même chef à la tête du Philharmonique de Munich avait donné dans la même salle une interprétation de cette symphonie qui ne nous avait pas réellement convaincu, en particulier à cause d'un déficit expressif et d'effets trop appuyés. Il nous faut reconnaitre que, même si ces deux versions ne sont pas calquées l'une sur l'autre, elles présentent grosso modo les mêmes caractéristiques et du coup les mêmes problèmes. Car de nouveau nous avons trouvé un Allegro moderato initial peinant à trouver à la fois un ton et une unité organique, réellement imperceptibles ce soir. La mise en évidence trop véhémente de certains climax musicaux, généralement par une longue retenue de l'accord libératoire mit même l'orchestre en difficulté, les musiciens n'arrivant pas tous au rendez-vous en même temps, créant une confusion sonore réduisant sinon même annulant l'impact attendu. A l'intérieur des phrases, où l'on sait que Bruckner n'hésite pas à employer des motifs répétitifs, on retrouvait également la direction cette fois trop littérale du chef, devenant  sans nuance, mécanique, retirant du sens (pas seulement la marche en avant) à cette musique.

A ce jeu, si le premier mouvement fut musicalement difficile à comprendre, le second mouvement fut réellement long, mais long, car basé en lui-même sur la répétition de longues séquences (deux fois avant et deux fois après le trio), mais aussi par des cellules mélodiques et rythmiques simples elles-mêmes répétées, et il nous faut bien avouer que la direction très mécanique du chef, qui plus est sur un tempo assez peu allant, plomba ce scherzo où l'orchestre s'en donna néanmoins à cœur-joie.

Et comme avec Munich en 2010, les deux derniers mouvements se portèrent mieux, bien que plus longs que les deux mouvements initiaux, ils souffrirent paradoxalement moins d'un manque d'unité organique, sans toutefois toujours soulever l'enthousiasme, car eux aussi, mais plus particulièrement l'Adagio, alternaient des passages d'une grande neutralité expressive avec des mises en exergue franchement poussées comme le déjà naturellement immense climax de l'Adagio, ce soir tellement gonflé et ralenti qu'il en devenait presque monstrueux. Et l'épilogue apaisé qui suivit, s'il montrait quelques belles couleurs d'orchestre, ne transmettait pas vraiment d'émotion. Le Finale était presque une formalité pour le Philharmonique de Vienne qui l'attaqua toutes voiles dehors (l'ensemble de ce concert fut peut-être un peu haut en décibels malgré tout). On y trouvait d'incontestables beaux moments, comme ce très réussi retour glorieux du thème du premier mouvement qui résout en quelque sorte toutes les hésitations de ce mouvement et permet alors à la phénoménale coda de se lancer, malheureusement ce soir sur un ton et un tempo qui tuait tout le génial suspens du début de cette coda et donc une partie de sa force expressive, sinon même sa raison d'être.

Fidèle à lui-même offrit ainsi au public parisien sa vision de ce chef-d'œuvre de la symphonie, et si on admire la constance de sa conception au cours des années, signe qu'elle est le fruit d'une belle maturation, elle ne nous semble toutefois pas donner à cette géniale Huitième toute sa force et sa plénitude.

Crédit photographique : © Bill Bernstein

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