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Paavo Järvi : d’Orages à Carmina burana

Si la logique musicale unissant les trois œuvres programmées ici ne sautait pas aux yeux, leur enchainement, bien que purement arbitraire, composait un concert en trois temps tout à fait équilibré avec une ouverture brillante, commande de l'orchestre et de pour l'ouverture de la saison, suivi d'une œuvre concertante, intermède poétique précédant les célèbres Carmina Burana, permettant aux chœurs de rejoindre l'orchestre pour la conclusion de la soirée.

Commandé spécifiquement pour la circonstance, c'est-à-dire le lancement de la saison 2013, Orages de s'inspire, entre autre, des poèmes Les Tempêtes du libanais Khalil Gibran, sans pour autant constituer une musique à programme. Comme beaucoup de poèmes symphoniques, il s'écoute fort bien sans support littéraire extérieur, d'autant que l'orchestration y est remarquable et transmet à l'auditeur un plaisir sonore immédiat. Un peu à l'image, en plus concis, de la Symphonie alpestre de Richard Strauss, elle aussi représentation musicale de la nature, cette pièce d'à peu près 18 minutes se concentre sur les orages, dont elle nous en illustre plusieurs manifestations. On s'en doute, les cuivres eurent la part belle, sans doute même la plus belle, mais le reste de l'orchestre trouva bien des occasions de s'exprimer. Cette pièce, dénuée d'agressivité sonore ou harmonique (vu de notre XXIème siècle), remplit parfaitement son rôle de rampe de lancement pour l'orchestre qui s'y montra brillant et engagé.

Tout aussi engagé fut le jeu de la violoniste dans le Concerto n°2 de Prokofiev, où, paradoxalement, l'orchestre nous parut sur la réserve, comme s'il avait du mal à se rééquilibrer après les puissants Orages. Effet acoustique peut-être, mais de notre place on eut bien l'impression que la mayonnaise ne prenait pas, la continuité sonore et musicale entre la soliste et l'orchestre étant perfectible. Du coup les différents ingrédients de ce concerto peinèrent à fusionner pour construire une interprétation achevée. Où les moments les plus réussis furent justement ceux réclamant engagement et virtuosité de la part de la soliste, ce qu'elle fit à merveille, alors que les passages poétiques eurent du mal à émouvoir, comme l'Andante assai pris sur un tempo trop retenu, détachant nettement entre elles les notes d'accompagnement d'orchestre pour établir à la fois une continuité horizontale et celle du discours entre violon et orchestre. Cette interprétation nous laissa donc une impression un peu étrange, d'autant plus que le chef et sa soliste montrèrent dans la Mélodie de Tchaïkovski jouée en bis, avec accompagnement d'orchestre donc, un meilleur équilibre et transmirent plus facilement l'émotion musicale.

Orchestre plus chœurs (y compris la Maîtrise) emplirent copieusement la scène pour Carmina burana, L'œuvre est elle même disparate avec ses textes aux contenus hétérogènes, et il n'est pas si aisé de lui donner une continuité et une cohérence sans faille. ne s'acharna manifestement pas à s'y essayer, favorisant le caractère de chaque mouvement plutôt que de risquer une homogénéité stérilisante. Ainsi les disparités de la partition ne furent pas estompées, et les trois solistes vocaux devaient à chaque fois trouver un ton spécifique ce qu'ils firent assez remarquablement. Si l'exécution nous parut avoir besoin de s'échauffer un peu pour trouver sa plénitude, que ce soit à l'orchestre où chez dont la voix s'épanouit plus aisément passé sa première intervention, elle nous sembla de plus en plus convaincante à mesure qu'on avançait dans le temps, ses deux derniers numéros étant d'ailleurs les plus impressionnants, achevant la soirée en véritable apothéose.

Crédit photographique : © Tom McFarlane

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