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Don Giovanni à Tours : Tassis Christoyannis, libertin magnifique

Quelques mois après un impressionnant Germont à Nantes, signe une nouvelle prestation de haut vol en incarnant Don Giovanni dans la nouvelle production proposée par les Opéras de Tours et de Reims.

Vocalement irréprochable, titulaire d'un diplôme supérieur ès mezza voce, il dévore Finch'han del vino avec une facilité déconcertante (quel souffle !)  avant d'aborder la sérénade avec un luxe de nuances qui la rendra mémorable. Scéniquement, il domine également les débats avec autant d'élégance que d'abattage. Par l'aisance des moyens vocaux comme par la qualité et la subtilité de l'interprétation, il s'impose d'ores et déjà comme un titulaire majeur du rôle.

A l'exception du Don Ottavio scrupuleux sur le plan stylistique mais à la séduction vocale limitée d', le reste de la distribution fait appel à de jeunes voix.

Parmi elles, la découverte de cette représentation est , dont la fraîcheur vocale et scénique nous ravit, en particulier dans un Batti, batti, o bel Masetto joliment fruité. La prometteuse manque encore de métier pour se confronter à Donna Anna et son chant trahit constamment l'effort  jusqu'à un Non mi dir où l'émotion s'invite enfin. se révèle plus convaincante dans l'affliction que dans la colère, qui dévoile ses duretés dans l'aigu forte, avec à son actif de jolis piani et un investissement touchant dans  Mi tradi. Sympathique Leporello, Tomislav Lavoie manque redoutablement d'italianité et ne retient pas l'attention, pas plus qu'un Masetto clairement insuffisant. Nika Guliashvili, enfin, affiche une voix dépourvue de subtilité mais pas d'efficacité au second acte.

Fort heureusement, ces jeunes solistes sont soutenus par la baguette extrêmement précise et attentive de , qui nous propose une lecture d'essence classique mais avec une réelle volonté d'alléger la pâte orchestrale. Si l'accompagnement des arias témoigne d'une grande délicatesse, les finals sont traités avec fougue et efficacité. L'orchestre Région Centre Tours est une nouvelle fois à la hauteur avec mention à la petite harmonie en très grande forme.

Que dire de la mise en scène ? La note d'intention du jeune réalisateur canadien revendique un cadre intemporel ; de fait, nous sommes en présence d'un décor unique géométrique, sans réel agrément. Dès lors, nous attendons une direction d'acteurs au cordeau, mais nous la rencontrons conventionnelle, maladroite parfois, et le spectacle ne décolle jamais, faute d'un parti réel de la production. Beaucoup d'immobilisme, quelques bonnes idées diffuses : nous restons sur notre faim. Qu'importe, la seule prestation du titulaire du rôle-titre suffira à qualifier ce spectacle, mémorable à chacune de ses apparitions.

Crédit photographique : (Don Giovanni) avec (Zerlina) © François Berthon

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