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L’orchestre de Paris à l’américaine

Si les saisons symphoniques parisiennes sont très souvent trop traditionnelles, il est louable de rencontrer, de temps à autre, des programmes qui sortent (enfin) des sentiers battus. Quittant les horizons scandinaves et postromantiques de ses soirées d'abonnements, l' mettait le cap sur les USA avec un programme à la fois populaire avec Gershwin et Bernstein et très moderniste avec Antheil et Ives. Désormais invité régulier de l', le chef allemand reprenait à l'identique le programme qu'il avait donné à la Philharmonie de Berlin, en septembre 2013, en ouverture des Berliner Festwochen.

Très rarement donnée au concert, et encore plus de ce côté de l'Atlantique, la Symphonie °4  de est une curiosité du répertoire symphonique. Outre un effectif instrumental et choral imposant, cette pièce témoigne de la radicalité visionnaire et unique de ce compositeur capable de créer une « forêt de sons » sortie d'une imagination aussi débordante qu'expérimentale. La diversité des styles et la haute exigeante technique en matière de mise en place trouvèrent en un défenseur de haut vol. Rompu aux musiques contemporaines les plus redoutables, le chef fait ressortir tous les traits caractéristiques de ce compositeur : expériences harmoniques  redoutables et réminiscences des musiques populaires, chœurs évangélistes ou fanfares. Les forces chorales et instrumentales sont parfaitement secondées par le jeune pianiste qui affronte vaillamment les sidérantes difficultés de sa partie en se fondant dans ce maelström orchestral. On retrouvait le pianiste et le chef dans la Jazz Symphony de pour piano et petit orchestre. Le déhanchement naturellement rhapsodique de cette musique est parfaitement rendu par les deux musiciens, secondés par un inspiré. se lance ensuite, avec la complicité de deux percussionnistes de l'orchestre, dans un Ragtime de Scott Joplin qui achève de transporter le public.

Les choses se sont hélas gâtées avec le pan « populaire » du programme, dont le chef impose une vision pangermanique : brutale et bruyante. La Cuban Ouverture, prise à froid en début de concert, était épaisse et appuyée coup de cuivres et de percussions. Les Symphonic Dances from West Side Story furent cernées avec un sens du rythme plus bavarois qu'américain : la fanfare Oberbayern déambulait sur Broadway. Dès lors l'expérience fut un tantinet pénible par la saturation de l'espace sonore qui découlait de cette interprétation. Il fut alors difficile d'apprécier la qualité des pupitres de l'orchestre de Paris.

On retiendra donc de ce concert, outre son concept éditorial, une grande lecture de la Symphonie n°4 de Ives, qui avec nos années de disette budgétaire ne risque pas de retrouver de sitôt l'affiche des programmes.

Crédit photographique : © Harald Hoffmann

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