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Simon Trpčeski et Lionel Bringuier, un duo gagnant de jeunes prodiges

Quand un des meilleurs orchestres du monde rencontre un jeune prodige de la baguette, le résultat est réellement bluffant. Démonstration.

Dans Une nuit sur le Mont Chauve, a réussi à obtenir très belles couleurs : malgré une orchestration fournie, il est parvenu à conserver une certaine volubilité (qui n'est pas sans évoquer la Symphonie Fantastique de Berlioz) ; ainsi, évitant avec succès l'aspect parfois massif de l'œuvre, les accents « russes », bien que parfaitement reconnaissables, n'ont pas été pas surjoués.

Après cette mise en bouche venait le plus connu des concertos de Rachmaninov -et ô joie!- ce fut une véritable révélation. À la version hélas assez courante d'un pianiste en mal d'ego s'attaquant au deuxième de Rachmaninov tel un cheval de bataille, (assurément le plus prometteurs des pianistes de sa génération, on se demande pourquoi il se fait si rare en France alors que le reste du monde se l'arrache) y substitue une vision nostalgique où sa redoutable technique pianistique est au service d'un lyrisme exacerbé, et non une fin en soi. Sensible sans jamais être affecté, on a pu goûter des pianissimo incroyablement purs, notamment dans le deuxième mouvement où la qualité du son et de la ligne fut parfaitement maîtrisée. Il faut dire que le pianiste est particulièrement à l'écoute de l'orchestre, qui, sous la direction de son jeune chef, lui a apporté un soutien idéal, en témoignèrent les interventions solistes toutes aussi précises et musicales les unes que les autres -quel orchestre peut d'ailleurs se targuer d'avoir des pupitres de vents et de cuivres aussi solides?! Le seul petit bémol reste, comme souvent, l'acoustique de Bastille : on déplore la déperdition sonore (le piano est principalement touché), notamment dans les fortissimo qu'on aurait aimé plus éclatants. Néanmoins, le public n'a pas boudé son plaisir et fut récompensé en bis par une valse en la mineur de Chopin, merveille de délicatesse et d'humilité.

La deuxième partie fut assurément à la hauteur de la première avec cette Symphonie n°6 de . Si l'en était encore besoin, l' a pu confirmer son niveau exceptionnel, et a démontré de nouveau qu'il possédait non seulement un talent fou, mais également une expérience hors du commun. Sa direction engagée, extrêmement soignée, (il n'y a pas une note qui ne soit pas accompagnée d'un geste, même infime) est parvenue à restituer toutes les facettes de l'œuvre : tantôt amère, parfois grinçante, souvent d'une tendresse douloureuse, c'est une vision aussi intelligente que précise qu'il nous a proposé, et particulièrement convaincante.

En dépit d'une programmation « russe » des plus classiques, ce fut un concert de grande envergure: on attend d'ores et déjà la prochaine venue de et l'on espère que , en dépit de sa prise de fonction imminente à l'orchestre de la Tonhalle de Zurich, sera régulièrement invité sur la scène parisienne.

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