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Alain Planès : une voie royale pour apprécier le piano de Bartók

ressentit une véritable choc lorsqu'il entra en contact avec l'authentique musique paysanne hongroise. Les Quatorze Bagatelles pour piano concrétisent cette rencontre majeure en 1908. Elles portent les stigmates d'une brutale métamorphose et propulsent le compositeur au sein de la famille des grands compositeurs du 20e siècle. Cette avancée moderniste poussa le pianiste virtuose et compositeur italo-allemand Ferruccio Busoni à s'exclamer : « Enfin quelques chose de vraiment nouveau. »

Chacune des sections de cet opus, mixte de Debussy et des musiques hongroises inexploitées, revêt une physionomie que l'on  retrouvera dans les autres chefs-d'œuvre  de la maturité. Dès l'abord, il apparaît évident que l'héritage germanique (Liszt, Brahms) est abandonné sans ménagement au profit notamment d'une large utilisation percussive du piano, d'une grande variété de modes de jeu, d'une adoption d'échelles modales et pentatoniques des chants populaires, d'une prééminence de dissonances.

Les mêmes sources préludent à l'écriture postérieure des Quinze Chants populaires hongrois composés en deux périodes (1914 et 1918) et aboutissant à quatre grands mouvements dont l'âpreté, associée une fois encore aux dissonances et au piano considéré comme un instrument de percussion, contrastent sans excès avec la Suite de danses (version piano de 1925) plus prompte à flatter l'oreille des auditeurs. Ces aspects fascinants d'un génial compositeur justifient son positionnement pas très éloigné des très grands maîtres respectés que furent Beethoven, Liszt et Debussy. Les autres œuvres, magistralement enregistrées par , confirment sa modernité, sa proximité folklorique, son primitivisme stravinkien, son intégrité créatrice absolue.

signe une inoubliable gravure, sans concession ni approximation aucune,  aidé en cela par sa proximité avec la musique contemporaine et novatrice, lui qui fut le pianiste soliste de l'Ensemble InterContemporain de Pierre Boulez et qui aborda un vaste répertoire à la fois classique et moderne (Stravinsky, Boulez, Stockhausen, Ligeti, Berio…). L'exceptionnel décryptage du sévère monde bartókien, sous les doigts magiques d', même s'il existe bien sûr d'autres alternatives, devrait pour les réfractaires ouvrir sans tarder le temps  d'une durable réconciliation avec un maître rebelle à toute compromission.

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