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Cinq grands maitres du clavier magnifient Carl Philipp Emanuel Bach

En cette année anniversaire, est largement représenté au disque et ce n'est que justice, pour un compositeur qui a trop longtemps souffert de l'ombre de son père, et que la musicologie avait relégué un peu vite au rang de compositeur secondaire. On le trouvait académique, mondain voire superficiel. Il aura fallu du temps pour reconnaitre enfin le génie de ce maitre initiateur d'un style nouveau, inventeur de la symphonie classique et qui nous amena à Beethoven via Haydn et Mozart, rien moins que cela… Les claviéristes, qu'ils soient pianofortistes, clavecinistes ou organistes s'en donnent à cœur joie grâce à des œuvres d'une verve apte à captiver un public même des moins averti.

Les cinq enregistrements présentés ici apportent chacun leur pierre à leur manière. Certes le sujet est connu depuis longtemps, la discographie étant déjà bien fournie depuis les années 70. Et pourtant, un peu comme la musique du père Bach, chaque nouvelle approche est passionnante, en complète une autre, soit sur un climat particulier, ou un détail inconnu d'une autre. De plus, chaque disque propose une découverte, de quelque pièce injustement laissée de côté.

au clavecin éclaire d'un visage nouveau quatre symphonie berlinoises adaptées pour le clavier, tel que cela se pratiquait déjà du vivant du compositeur. Tout l'esprit « Sturm und drang » (orage et stress) se déploie à loisir sur une belle copie de Goermans-Taskin. Une première au disque malheureusement un peu chiche sur la durée, l'éditeur aurait pu rajouter facilement deux autres symphonies… dommage, car le discours est beau et inspiré.

propose lui sur un orgue italien de la fin du XVIII° l'intégrale des 6 sonates, un Serrassi de belle race. On dirait cet orgue fait pour cette musique tant les divers timbres de l'instrument bonifient à souhait le discours, toujours ludique et affairé. Quelques ustensiles comme les campanelli (clochettes) ou les belles contrebasses de pédale viennent ponctuer avec bonheur les lignes musicales. Le penchant italien de cette musique est ici mis en valeur de manière originale.


semble lui dans ce répertoire comme un poisson dans l'eau tant son énergie légendaire sert à merveille ces pages, rehaussées par l'utilisation même de l'orgue de la Princesse Amalia, petite sœur du roi Frédéric II de Prusse. Cet instrument elle le fit construire pour elle même alors que CPE Bach était son professeur. Miraculeusement, cet orgue nous est parvenu et aujourd'hui magnifiquement restauré. On admire ici les timbres fruités de cet instrument proche de l'esthétique saxonne de Gottfried Silbermann. La princesse ne jouait pas de pédalier, mais l'interprète moderne ne se prive pas ici ou là de rajouter quelques basses bienvenues, bien que l'écriture soit manuelles et transposables au pianoforte.

fête cette année à la fois son cinquantenaire, et le tricentenaire de CPE Bach. Une intégrale enregistrée voici seulement quelques semaines, augmentée de 2 concertos pour orgue et orchestre enregistrés voici quelques années à Vichy avec l'orchestre d'Auvergne dirigé par . L'orgue seul est présenté sur le très bel orgue du temple du bouclier à Strasbourg. Proche de ceux connus par l'auteur cet instrument présente les meilleurs qualités à traduire un univers musical particulier, et nouveau. De plus utilise une toute nouvelle édition musicale des œuvres de Carl Philipp, et nous fait quasiment découvrir quelques fugues aux thèmes particulièrement audacieux. Quelques chorals rappellent la filiation, dont le fameux « Ich ruf zu dir », arrangé à sa manière…

quant à lui propose lui aussi une version intégrale sur un orgue italien mais d'esthétique baroque germanique. Cela constitue une magnifique réalisation sonore soutenu par le jeu pertinent et raffiné de l'organiste. A nouveau voici une version de référence, apte à monter combien l'auteur fut un compositeur fondamental dans la construction du classicisme. Un précurseur peut être, mais surtout et entièrement un immense compositeur à part entière. Plus tard il eut l'admiration de Haydn, Mozart et Beethoven tous trois réunis pour affirmer haut et fort combien ils devaient à ce musicien d'exception. Le côté germanique de ces pages est mis en valeur ici grâce au rajout d'une partie de pédale qui éclaire spécifiquement le discours.

Nul besoin de départager ces versions, elles atteignent toutes de hauts sommets, à la gloire de celui qui fut en son temps le maitre du clavier, au point d'écrire son fameux « Essai sur la vraie manière de jouer les instruments à clavier », un ouvrage toujours d'actualité.

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