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Une Gioconda de grand luxe à l’Opéra de Marseille

Venant de Liège, ayant tourné à Palerme, Nice, Saint-Etienne, cette belle production de La Gioconda atterrit enfin à Marseille.

La mise en scène réussit le tour de force d'allier tradition et modernité, de laisser respirer l'action dans les lieux et l'époque du livret, sans tomber dans le chromo de grand-papa. Les décors, plus suggestifs que réalistes, évoquent à merveille la cour du palais des doges, un navire en partance ou l'intérieur d'un palais vénitien. Des projections ou des jeux de lumière sur fond de tulle produisent de spectaculaires effets spéciaux. Les costumes sont luxueux et seyants, les figurants, choristes et danseurs, nombreux, et encombrent même l'espace scénique. On a l'impression d'une débauche de moyens, dont on avait perdu l'habitude en ces temps de crise ! Bref, nous assistons à une fête pour l'œil, sans être un désert pour l'esprit

Au plan musical, la satisfaction est tout aussi grande. On loue depuis bien longtemps les progrès accomplis par l'orchestre de l'opéra de Marseille. Sous la baguette experte de , celui-ci donne son meilleur, avec un jeu moelleux, articulé, et des tempi d'une totale justesse. Les chœurs, extrêmement impliqués et vaillants, ne sont pas en reste. La chorégraphie de la célèbre « danse des heures » reste classique, sans surprise, mais fort bien dansée par le corps de ballet.

Dans le rôle titre, effraie de prime abord par une voix durcie, au vibrato envahissant. Elle se rattrape progressivement, jusqu'à offrir au dernier acte un « suicidio » impressionnant de puissance et d'investissement, même si la justesse n'est pas toujours au rendez-vous. Elle fait ainsi du quatrième acte définitivement le sien. Son amant, incarné par le tout jeune , est une véritable révélation. Son timbre est beau, avec un petit quelque chose de bergonzien dans l'émission, des aigus solaires, un grave solide, et surtout, il irise son incarnation d'une palette de couleurs infinies. Il forme avec la parfaite Laura de un couple d'une particulière élégance, à la fois physique et vocale. Cette dernière dessine finement le portrait d'une femme faible, apeurée par un rien, ce qui est plutôt original.

La Gioconda ne serait pas si exaltante sans un véritable méchant : Marco Di Felice est un Barnaba autoritaire, brillant, sonore, qui sait tenir son public en haleine. est une Cieca tout à fait satisfaisante, trop effacée cependant. Le seul point noir de la distribution reste en  Alvise Badoero, terne scéniquement et gris de timbre.

Crédit photographique : © Christian Dresse

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