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Berne affiche le rare Armide de Gluck

Pour son ouverture de saison, le Stadttheater de Berne présente le rare Armide de dont la superbe musique sauve un spectacle affichant une transposition scénique d'une efficacité douteuse.

Monter ce monument musical avec ses plus de vingt solistes avec les moyens d'un théâtre de troupe est une gageure difficile à réaliser. Si du côté orchestral, la direction énergique et éminemment musicale de s'avère excellente, la partition semble parfois au-dessus des moyens techniques d'un valeureux.

Par contre, le côté vocal est rarement à la hauteur de l'attente. En premier lieu, l'absence de style attaché à cette musique est manifeste. Ensuite, le livret de la tragédie lyrique d'Armide écrit en français et en vers rimés use d'une langue poétique subtile différente de celle de maints opéras de cette époque. Cette œuvre requiert donc des chanteurs possédant l'articulation et la connaissance de la langue française, l'une des plus difficiles à chanter. Or, à de rares exceptions, les interprètes de cette production ont une diction totalement insuffisante à la compréhension de ce qui se passe dans cette intrigue.

A commencer par l'invitée de cette production, la soprano sud-africaine (Armide), dont on se souvient l'excellente Léonore du Fidelio de Beethoven à Berne en septembre 2012. Elle possède à n'en pas douter la gamme vocale du rôle avec ses forte et ses pianissimo, le legato et le phrasé de la musique de Gluck. S'il  faut malgré tout souligner la performance de sur scène pendant les plus de deux heures de spectacle, on se borne pourtant à n'apprécier que l'écoute de sa très belle voix, sans comprendre ce qu'elle raconte. Comme sa compagne de scène, le ténor Andries Cloete (Renaud) aborde un rôle trop lourd pour ses moyens. Cet excellent acteur de seconds rôles, si souvent apprécié sur la scène bernoise (voir le même Fidelio de 2012), paraît peu à l'aise dans ce personnage mal caractérisé. Avec une voix souvent monocorde, son chant s'articule autour de longues mélopées sans qu'aucune de ses paroles ne soit intelligible.

Ce sont dans les seconds rôles qu'on relève parfois une application plus grande à la langue et au style. Ainsi, en est-il de la soprano (Phénice) dont la voix sans faille et les attitudes théâtrales toujours justes offrent un heureux moment de clarté stylistique. Dans une moindre mesure, l'autre suivante d'Armide, la soprano (Sidonie) donne une belle impression de fraîcheur avec, en particulier, un extrême aigu qu'elle se plait à exagérément lancer et tenir au-delà des sons de l'orchestre. Pour une autre fraîcheur, apprécié, le joli grain de voix de la soprano (Lucinde/Mélisse).

Du côté des messieurs, si le baryton orléanais (Hidraot) est le seul à chanter correctement dans la langue de Molière, sa voix est malheureusement ici trop ingrate pour en être charmé. Autre baryton de la distribution, le métier de (Le Chevalier Danois) lui permet de s'en tirer avec les honneurs malgré la laideur du costume dont il est affublé.

Parce que malgré la noblesse des personnages, Renaud et le Chevalier Danois derrière l'ombre de Godefroi de Bouillon, de la magicienne Armide pas de magie ni de rêve éthéré dans les costumes communs et sans unité de Duri Bischoff. Ni dans la mise en scène d'. S'inspirant de l'actualité, ses croisés sont des terroristes masqués vêtus de treillis, Armide est une femme se moquant des conventions, dédaignant le Dom Pérignon qu'on lui propose et recevant une foule bigarrée de parvenus médaillés ou de nouveaux riches. Tout ce beau monde se débat sans réelles intentions dans un décor pivotant montrant tour à tour l'intérieur d'un mas de pierre, un jardin de cactus ou les sombres ruines d'un sous-sol.

Un spectacle dont on ressort désenchanté d'avoir été privé de la part de magie et de rêve de l'univers poétique d'Armide.

Crédit photographique : (Armide) ; Andries Cloete (Renaud), (Phénice), Miriam Clark (Armide), (Mélisse), (Sidonie) © Philipp Zinniker

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