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Événement, Siroe de Hasse en première mondiale

Une interprétation à la hauteur d'un livret et d'une partition en tout point exemplaires.

L'ouvrage, en soi, est déjà une révélation. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il ne s'agit pourtant que du troisième des cinquante-six opéras de Hasse à paraître en intégralité, après la Cleofide autrefois dirigée par Christie, suivie quelques années plus tard par la Didone abbandonata qui permit notamment de faire découvrir le jeune Barna-Sabadus. Admirablement structuré, le deuxième livret de Métastase déploie son intrigue à la fois limpide et incroyablement alambiquée, donnant lieu à six portraits complexes, parfaitement crédibles dans leurs débordements et, finalement, plutôt attachants dans leurs contradictions et leur fragilité. Sur ce canevas, qui nous est familier grâce au Siroe de Haendel, Hasse a su composer à deux reprises la plus exaltante des musiques. Dans cet enregistrement, c'est la version de 1763, une récriture fort accomplie de la mouture de 1733, qui nous est donnée à entendre. Les plus curieux se précipiteront sur le récital de 2013 consacré par au grand castrat Caffarelli afin de comparer, interprétés par le même chanteur, les airs de Medarse dans les versions 1733 et 1763. Sut le choix de certains morceaux, on aurait souhaité que la notice nous éclaire davantage sur l'inclusion d'un récitatif accompagné du Siroe de Haendel, sur celle d'un air virtuosissime du Britannico de Graun – bravo à pour ce tour de force ! – ou encore sur la présence d'un air du Vespasiano de Hasse.

Le plateau réuni pour l'occasion royal. Vocalement dominé par , dont l'instrument n'a jamais été aussi rond, chaud et scintillant, il brille tout autant par la présence de la soprano qui ne fait qu'une bouchée des redoutables vocalises de sa partition. Tout aussi doués techniquement quoique dotée de moyens vocaux sans doute plus modestes, Max Emanuel Cencic et vont beaucoup plus loin dans la justesse et dans la subtilité de leur caractérisation. On apprécie, dans l'ouvrage, le contraste et la rivalité entre le bouillonnant et arrogant Medarse/Fagioli et le sage et bienveillant Siroe/Cencic, tout empreint de noblesse et d'humanité… Si l'on découvre le charmant soprano de Lauren Snouffer, bizarrement distribuée en Arasse, le timbre relativement ingrat du ténor convient comme un gant au tyran Cosroe, dont l'artiste donne ici un portrait juste et convaincant. Son air « Gelido in ogni vena » est un des nombreux joyaux de la partition. Et l'on ne tarira pas d'éloges sur la direction ferme et dynamique, entièrement dénuée d'excès, de l'excellent à la tête de sa formation qui, d'année en année, ne cesse de nous enchanter.

Avec cinquante-trois opéras de Hasse à enregistrer et à faire découvrir, nos baroqueux ont encore du pain sur la planche…

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