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François-Xavier Roth sort Félicien David de l’ombre

n'encombre pas nos discothèques. Et c'est injustice. Les Siècles de , avec l'appui du désormais incontournable , remettent dans le soleil de Versailles (après un beau succès à La Côte-Saint-André cet été) son ode-symphonique Christophe Colomb, une œuvre qui captive constamment.

fut l'inventeur de l'ode symphonique, sorte d'oratorio avec récitant. Son Christophe Colomb prit la mer en 1847. Outre un grand orchestre, augmenté de deux cornets à piston et d'un ophicléide, par-delà un choeur qui a fort à faire, notamment les hommes, en plus de trois solistes très sollicités, il fait effectivement la part belle à un récitant. Considéré comme un personnage à part entière, ce dernier est toujours audible, contrairement à beaucoup d'oeuvres où le récitant doit forcément affronter un cataclysme sonore à un moment ou à un autre de la partition. David déploie toujours sous la déclamation un tapis orchestral des plus transparents.

fut adepte de Saint-Simon, dont la doctrine positiviste visait prospérité, esprit d'entreprise, bien commun, liberté, égalité, paix. Son Christophe Colomb témoigne de cet idéal et les harangues de son héros ont parfois des allures de prêches. Néanmoins on est touché par le style poétique à maints endroits d'un livret que la musique propulse constamment au-delà de sa naïveté première. « Océan inconnu, ténébreuse Atlantique, Tu vas te dépouiller de ton mystère antique. »Dans le genre on a vu pire…

D'une durée d'1h40, l'œuvre est découpée en 4 parties : Le départ. Une nuit des Tropiques. La révolte. Le Nouveau Monde. Quatre tableaux d'une belle concision, d'une grande variété d'atmosphères, d'une coulée mélodique sans mièvrerie, toujours accessible. L'auditeur est convié à un très beau voyage et, lorsque le galion musical arrive enfin à bon port, c'est un triomphe mérité qui lui est fait.

Bien sûr, le berliozien hors-pair qu'est Roth (voir sa Damnation au Festival Berlioz) ne pouvait que se sentir à son aise sur le pont de ce bateau-symphonie, où erre parfois le fantôme de notre Hector national, agité par la houle de belles envolées maritimes (il y a même un ouragan alla Rameau), par de prenantes plages de mélancolie étale, par des thèmes de belle accroche : la palme revient à celui, magnifique, façon Hébrides de Mendelssohn, qui prélude à la quatrième partie. L'on n'est pas étonné d'apprendre que Félicien David en fit ensuite une pièce de concert autonome.

L'indiscutable autorité du Colomb envoyé par , l'insolence de montent sans problème à l'assaut des haubans d'une partition qui enflamme la jeunesse de ces deux voix superbes. La beauté du mezzo de Chantal Santon-Jeffery est handicapée par une diction plus brumeuse. Le est une manière d'idéal spectaculaire. La voix du récitant de a l'autorité d'un timonier.

Toutes ces énergies atteignent cet autre Nouveau Monde : celui de Félicien David. On sort de l'Opéra Royal avec l'envie de lui faire un peu de place dans notre discothèque, tout près de Berlioz. Ça tombe bien : ce Christophe Colomb a été enregistré.

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