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Quand Sir John Eliot prend la plume pour Jean-Sébastien Bach

Après son fameux pèlerinage Bach en 2000 à travers l'Europe où il enregistra la totalité des quelque deux cents cantates sacrées du cantor de Leipzig nous livre une somme passionnante et unique sur .

Il ne manque pourtant pas d'ouvrages sur Bach et son œuvre, à commencer par ceux de , mais celui-ci possède une saveur unique, dans la mesure où Sir John le fréquente depuis fort longtemps et nous partage le fruit d'une longue maturation. On pourrait même parler d'un compagnonnage depuis l'enfance puisque le petit John Eliot a grandi sous le regard sévère d'un des deux portraits authentiques de Bach qu'un collectionneur juif avait caché dans la maison de ses parents pendant la seconde guerre mondiale. Vivement impressionné par ce portrait énigmatique, il ne se doutait pas qu'il deviendrait l'un de ses plus grands interprètes.

Avec une érudition profonde, ayant interrogé d'innombrables archives, souvent inédites, le chef d'orchestre partage ses impressions, son admiration sans bornes et ses doutes sur le compositeur qu'il a sans doute le plus fréquenté tout au long de sa vie. Ce titre aussi énigmatique que poétique fait référence à la chapelle ducale du château de Wilhelmsburg à Weimar, dont la voûte peinte représentait les cieux ouverts, tandis qu'un obélisque surmontait le dais de l'autel sous l'appellation « chemin vers le château du ciel ».

Une plongée dans l'Allemagne luthérienne

Replaçant le personnage dans le contexte d'une Allemagne morcelée en multiples petites cours et principautés, encore bouleversée par le traumatisme de la guerre de trente ans, qui l'ensanglanta au XVIIe siècle, l'auteur ne cesse de s'interroger sur la façon dont une musique aussi sublime a pu naître d'un homme si ordinaire, si opaque et quelque part si secret, alors qu'il est devenu une référence absolue pour tous les musiciens qui le suivront.

La foi luthérienne que toute sa musique sert, tient une place centrale dans la vie de Bach, qui est né, fut baptisé et passa les neuf premières années de sa vie à Eisenach, là même où Luther grandit, alla à l'école, prêcha au retour de la diète de Worms en 1521 et se réfugia au château de la Wartburg pour rédiger sa traduction révolutionnaire du Nouveau Testament dans une langue simple, abordable par tous. C'est à cette lumière que JE Gardiner analyse par le menu, en approfondissant les intentions spirituelles, la 4e cantate, Christ lag in Todesbanden, qu'ils jouèrent le jour de Pâques 2000 dans l'église d'Eisenach, comme la 106e, le fameux Actus Tragicus, ainsi que les monuments majeurs que sont les deux passions, la première, plus radicale, puis la grande, qui est autant une somme musicale que théologique.

fait de Sebastien la tête de liste de la riche génération des musiciens de 1685, alors que rien ne l'y prédisposait et qu'il était de son temps beaucoup moins célèbre que ses conscrits Georg Freidrich Hændel, , son ami Telemann, voire le français Jean-Philippe Rameau.

Malgré un contexte bien différent, en lisant les innombrables tracasseries qu'il a dû subir pendant tant d'années de la part des autorités municipales de Leipzig, on ne peut s'empêcher de penser aux problèmes économiques et pédagogiques actuels entre les collectivités et les structures musicales et culturelles. Sur le fond peu de choses ont changé et les musiciens doivent toujours se battre pour exercer leur art et pouvoir en vivre.

Un livre majeur, qui permet de pénétrer l'intimité intellectuelle du père de la musique moderne.

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