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Le Quatuor Voce sur la scène des Bouffes du Nord

Les concerts Proquartet invitaient sur le plateau des Bouffes du Nord le Quatuor à cordes Voce, une formation qui a fait ses premières armes au sein de l'Association et qui souffle cette année ses dix bougies d'anniversaire.

Les quatre oeuvres pour quatuor à cordes, certaines réclamant une partie de soprano, nous portaient des origines du genre à la création d'aujourd'hui avec deux oeuvres récentes de et .

Les Voce avaient choisi Mozart et son quatuor « Hoffmeister » de 1786 pour débuter le concert. C'est une pièce isolée dans le catalogue Köchel, portant le nom de son éditeur. Ecrit juste après une moisson de chefs d'oeuvre (les six quatuors dédiés à Haydn notamment), l'oeuvre de maturité s'émancipe un rien de son modèle, avec un mouvement lent en troisième position et une écriture monothématique dans ses mouvements extrêmes, à l'exemple de Haydn. L'interprétation mûrie qu'en donne le n'appelle que des éloges: tempo bien senti, élégance de l'articulation et équilibre sonore dans un premier mouvement magnifiquement conduit. Après le court Menuet d'une gravité nouvelle chez Mozart, les Voce ouvrent un espace pour la méditation dans l'Adagio d'une belle intensité dramatique. Ils entretiennent dans le Finale une agitation presque fiévreuse dans une manière virtuose autant que contrôlée.

Abandonnant l'écriture dialogique propre au genre classique, – venant sur scène pour présenter sa pièce – conçoit le quatuor comme un méta-instrument à 16 cordes, engendrant une matière sonore toujours en devenir. Ce deuxième quatuor écrit en 2013 a été créé à la Biennale des quatuors de la Cité de la Musique, l'année dernière. L'engagement des Voce est ce soir stupéfiant!

C'est ici l'énergie du geste qui est sans cesse réamorcée au sein d'une écriture nerveuse et incisive:  telles ces petites figures-fusées qui viendront jalonner le parcours sous les archets véloces des Voce. Elles jaillissent au début de l'oeuvre avant de se déformer au fil des processus mis à l'oeuvre. On est saisi par l'intensité et la puissance développées au sein des cordes qui entretiennent une manière de chaos organisé où la matière est pulvérisée puis recomposée dans des aller-retours vertigineux. Stratégique, une sorte de coda, plus apaisée et presque détachée du corps de l'oeuvre, va peu à peu restaurer l'énergie avant le dernier assaut, très spectaculaire, mené par les quatre cordes solidaires: astucieux et très efficace!

En seconde partie, la soprano rejoint le pour interpréter les 4 Gesänge op.2 d' datant de 1910. La partie de piano originelle est ici transcrite pour quatuor à cordes par Heime Müller. Ce sont quatre microcosmes poétiques très concentrés, exigeant plus de flexibilité vocale et d'homogénéité de timbre que n'en prodigue la chanteuse, à la peine dans le registre aigu.

Le Quatuor n°4 de est une commande de Proquartet passée au compositeur en 1999. Présent dans la salle, le compositeur ne viendra pas présenter son oeuvre, malgré l'absence totale de notice de programme et des textes chantés, qui font toujours cruellement défaut à l'auditeur lorsqu'on est dans le Lied. La pièce envoûtante convoque en effet la voix et les vers de (4 poèmes consacrés à la musique extrait du « Chant éloigné ») au sein d'une grande forme narrative cheminant dans l'alternance de la musique instrumentale et du chant: 4 parties de quatuors, quatre Lieder, quatre codas. Deux gestes instrumentaux s'alternent: l'un, véhément, extraverti et rageur (quatuor à cordes seul), l'autre retenu et effacé, voire « éloigné », pour l'aura des Lieder. Des textures micro-tonales raffinées naissent sous le geste des quatre musiciens dont on mesure l'ampleur de la sonorité et la synergie exemplaire du jeu. Plus à l'aise, n'étaient ses aigus arrachés et peu seyants, sert une ligne vocale somptueuse s'inscrivant dans l'univers quasi fantastique où nous immerge le compositeur.

Crédit photographique :  © Sophie Pawlac

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