Reflet de deux concerts donnés salle Pleyel en octobre 2013, ces deux DVD déroulent les concertos pour clavier de Bach dans une esthétique « moderne » et ne font intervenir la grande Martha Argerich que de façon marginale, ce qui en limite l'intérêt.
Le titre de ce double album est trompeur et ceux qui l'achèteront en croyant retrouver la grande Martha dans les concertos de Bach seront inévitablement déçus. En effet, la pianiste-star n'intervient que dans le concerto pour quatre claviers BWV 1065 d'après Vivaldi (deux fois il est vrai puisqu'elle apparaît entourée de deux différents trios de pianistes). Hormis de petit rôle, elle se laisse la place aux onze autres pianistes dont les noms figurent dans le chapeau de cet article. Ceux-ci, entouré du très classique orchestre de chambre de Lausanne (qui prouve qu'il ne suffit pas que les violons et les altos jouent debout pour se transformer en ensemble baroque ni même « historiquement informé »), déroulent les concertos écrits ou transcrits pour clavier de Bach. Quatre grands Steinway, un ensemble de corde modernes jouant sans chef (même si Michel Dalberto se croit obligé de leur donner le départ dans le BWV 1063), la musique l'emporte sur la musicologie…
On admire néanmoins dans l'ordre le charme mais aussi l'entente spontanée des soeurs Buniatishvili, la concentration sobre de Stephen Kovacevich, un des sommets de ces deux DVD, que rejoint tout naturellement Nelson Goerner, ou la grande musicalité de Lilya Zilberstein. Les concertos à deux et trois pianos sont plus inégaux, le duo Braley-Fray et le trio Dalberto-Braley-Kadouch s'imposant très nettement sur le plus terne ensemble Lim-Vallina-Sakai. Enfin le concerto pour quatre claviers d'après Vivaldi se place à part à cause de l'inappréciable présence de Martha Argerich; chacune de ses exécutions est suivie en bis du finale où, pour l'amusement du public, les tourneurs de pages sont les autres pianistes de la soirée. Succès garanti.
Un mot aussi pour saluer l'excellente notice de présentation due à Gilles Cantagrel, un modèle du genre.
Reste, pour justifier peut-être la présentation en deux disques les « improvisations » de Gabriela Montero, laborieux pastiches qui évoquent (de bien loin) Bach ou Beethoven et dont on peine à comprendre l'intérêt. Bach méritait meilleure compagnie!