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Comme il plaira à Anne Teresa De Keersmaeker

Pièce muette, ballet silencieux ou mise en scène dansée de Comme il vous plaira de Shakespeare, c'est le concept que propose dans Golden Hours, son nouveau et déroutant spectacle.

Malgré le charme et la grâce des jeunes interprètes de , le concept tourne au procédé et devient artificiel.

Mettre les pas des danseurs dans les mots de Shakespeare, pourquoi pas ? La langue de Shakespeare est à la fois sensuelle et poétique, burlesque et dramatique. Elle peut inspirer le mouvement. Mais le parti pris d', qui projette les principales répliques en fond de scène et maintient muets ses interprètes déroute. Quelle étrangeté, en effet, de voir la maîtresse de l'abstraction chorégraphique, qui ne chérit rien tant que la rigueur de Bach ou de Bartok et les figures géométriques, plonger ses danseurs dans le narratif (muet), voire dans la pantomime! En trente-cinq ans de création, jamais elle n'avait encore fait d'incursion dans le théâtre dansé. Si les sentiments affleuraient dans beaucoup de ses dernières pièces, ils n'étaient jamais exprimés à travers des gestes, comme c'est le cas dans cette transcription de Comme il vous plaira pour onze danseurs.

Chacun des danseurs incarne un personnage, « joue » la pièce, dont l'on reconnaît la fantaisie, la drôlerie, les possibilités d'incarnation. Il est cependant difficile de rester concentré sans entendre la langue familière, une poésie des mots à laquelle on pourrait se raccrocher. Prenant le visage d'Orlando, de Rosalinde ou du Duc, certains danseurs ont le charme de jeunes premiers. Dans le rôle de Rosalinde, l'androgynie troublante d'Aron Blum évoque le Tadzio de Mort à Venise. Il est l'un des seuls points d'attractivité du spectacle, insuffisant toutefois pour retenir un public qui s'éclipse par grappes, entre chaque acte.

« Demeurez là mes vers, témoins de mon amour » semble implorer le danseur qui incarne Orlando au moment de l'hémorragie de spectateurs. Ceux qui s'en vont ont sans doute suivi les conseils de Vincent Delerm dans sa chanson Monologue Shakespearien :

On est parti avant la fin
Du monologue Shakespearien
Parti avant de savoir
Le fin mot de l'histoire
On a planté en pleine nuit
L'Archevêque de Canterbury
On a posé un lapin
À l'épilogue Shakespearien

Et plus loin

Pourtant la mise en scène était pas mal trouvée
Pas de décor pas de costume c'était une putain d'idée
Aucune intonation et aucun déplacement
On s'est dit pourquoi pas aucun public finalement

 

Crédit photographique : © Anne Van Aerschot

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