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Beethoven Neuvième symphonie, épisode 1 : Philippe Jordan à l’Opéra Bastille

Les « hasards » de la programmation ont mis simultanément à l'affiche parisienne deux exécutions de la Symphonie n°9 de Beethoven. Concluant leur intégrale, et les forces de l'Opéra de Paris ouvraient le feu en ce mercredi soir, trente petites minutes avant Paavo Järvi et l'Orchestre de Paris le lendemain.

Il n'y a pas plus proche du célèbre opus 125 que cette Fantaisie créée en 1808, puisqu'on y retrouve en germe le thème de l'Hymne à la Joie et précurseur du finale de la symphonie avec solistes et chœur. Le long solo introductif au piano la sépare plus franchement de la symphonie, d'où son titre de « Fantaisie » qui s'applique à la forme bien plus qu'au fond, plutôt sérieux de ton. C'est d'ailleurs ainsi que l'aborda , suivant scrupuleusement une partition quelque peu ingrate, où le compositeur s'autorisait sans doute un espace d'improvisation lorsqu'il l'interprétait lui-même. Si cet aspect libre n'était pas présent sous les doigts du pianiste français, son jeu ne manquait ni d'élan ni de puissance et avançait avec une résolution sans faille. L'arrivée de l'orchestre changea progressivement le ton, celle des solistes et du chœur encore plus nettement, la partie symphonique ne prenant toute sa dimension que dans sa glorieuse conclusion, trouvant enfin la cohésion et l'impact sonore qui lui fit parfois défaut en chemin.

Ce même défaut pénalisa la perception qu'on put avoir de l'interprétation de et de son orchestre dans toute la symphonie et plus encore dans le premier mouvement, où dès le départ, son fameux motif descendant aux cordes, certes pianissimo, avait perdu sa chair et donc tout aspect expressif. Un coup pour rien en quelque sorte. Bien sûr l'acoustique délicate du lieu a joué son rôle mais les interprètes n'en ont peut-être pas assez tenu compte, jouant pour les micros au-dessus de leur tête plus que pour les oreilles dans la salle. De fait, la suite du mouvement manqua de continuité et de progressivité, allant de pianissimos trop éteints à des fortissimos nous sautant dessus, en passant par des contrechants inaudibles (le basson, ce sera moins sensible dans le finale). Le Molto vivace fonctionna mieux, on y sentit l'énergie beethovénienne qui nous manqua dans le mouvement précédent, un rythme bien tenu, mais un trio un peu en creux (retour de l'effet acoustique sans doute).

L'Adagio joliment phrasé, sans rupture entre ses variations successives, offrit sans aucun doute le meilleur continuum sonore de la soirée, l'orchestre y trouvant un bon équilibre musical. Avec son tempo assez classique, ni speedé ni retenu, son ton sobre, sans sentimentaliser le propos, ce mouvement fut le plus réussit des quatre. Le glorieux finale brilla plus par son niveau d'exécution, même s'il n'a pas résolu les problèmes d'équilibre sonore, que par l'intensité des émotions musicales qu'il peut offrir. Le quatuor vocal fut vaillant et homogène, même si la basse dramatisait un peu plus ses interventions que ses trois partenaires, et le chœur fut excellent. Si la dernière note du Prestissimo final déclencha une ovation du public, elle nous laissa sur l'impression plus mitigée d'une interprétation tout en classicisme qu'un engagement plus intense de l'orchestre et une balance acoustique plus soignées auraient permis de bien mieux percevoir et donc apprécier à sa juste valeur.

Crédit photographique :  © JF Leclercq

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