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Sandrine Piau illumine Vivaldi à Fénétrange

De retour à Fénétrange pour un concert Vivaldi, illumine de sa grâce et de sa musicalité la musique du maître vénitien. En formation réduite, l'ensemble déçoit par un certain manque de dynamisme.

Nichée aux confins de la Moselle et de l'Alsace, la petite ville de Fénétrange accueille depuis maintenant trente-sept ans le premier festival d'art lyrique et de musique lorrain. De Hildegard Behrens, Ileana Cotrubas, Katia Ricciarelli à Marie-Nicole Lemieux, de Nelson Freire, Pierre Amoyal à encore tout récemment Aldo Ciccolini – à la mémoire duquel est dédiée cette édition 2015 – de grands musiciens ont soutenu de leur présence une manifestation discrète dans son organisation mais, depuis les origines, soucieuse de la qualité de ses prestations. Cette année, le concert Vivaldi proposé par et en constituait un des temps forts.

Au service d'un compositeur dont la musique lui va comme un gant, se montre du début à la fin du concert en état de grâce. Lui conviennent tout particulièrement les airs lents et élégiaques qui lui permettent de faire valoir sa science du legato et son art des phrasés. On citera notamment le « Tunc meus fletus » du motet In furore, dont les accents déchirants resteront longtemps dans toutes les mémoires. Si l'air « Zeffiretti che sussurrate » lui donne également l'occasion de faire valoir ses qualités de charme et d'humour, le « Gelido in ogni vena » de Farnace fait appel, au contraire, à tous ses dons de tragédienne. Dans les deux cas, son contrôle infini du souffle et la subtilité de ses ornementations la montrent parfaitement souveraine de son art. Si personne ne saurait remettre en cause l'agilité de ses vocalises, ce qu'attestent par exemple les premier et dernier mouvements de In furore, le terrifiant « Dopo un' orrida procella » de La Griselda la montrerait presque à la limite de ses moyens. Dans ces grands rôles de castrats, pour lesquels sont requis de redoutables intervalles, sans doute faudrait-il pour leur rendre justice un mezzo ou un alto à l'aigu illimité – une Bartoli, une Podlès, une Maryline Horne… En dépit de l'énergie déployée par la soliste et l'ensemble instrumental, l'effet recherché n'est pas tout à fait atteint.

Concernant la formation orchestrale de Jérôme Corréas, on pourra regretter que l'effectif, réduit pour ce soir à un total de six instrumentistes, n'ait pas permis de rendre réellement justice aux pages retenues pour le programme. Les grands airs d'opéra, le motet In furore, la sonate dite « La Follia » appellent une énergie et une palette dynamique bien plus riches que ce qui fut donné à entendre le soir du concert. Nul ne saurait, en revanche, contester la virtuosité et la musicalité d'interprètes tous méritants qui, à l'évidence, ont l'habitude de travailler ensemble et qui y prennent plaisir. On saluera tout particulièrement la prestation des deux violonistes, et , très sollicitées l'une comme l'autre.

En fin de concert, trois généreux bis – le célébrissime « Lascia ch'io pianga » de Rinaldo, « Il primo ardor » d'Ariodante puis l'air du sommeil de Tito Manlio – prolongent pour un public enthousiasmé un concert traversé de nombreux et véritables moments de pure magie.

Crédit photographique : Sandrine Piau et Jérôme Corréas © Jean-Baptiste Millot

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