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Création mondiale de l’opéra Merlin de Paul Ladmirault

C'est dans le cadre inattendu du théâtre municipal de Saint-Hilaire de Châléons, charmant bourg situé en plein cœur du pays de Retz, que la troupe nous propose la création mondiale, plus d'un siècle après sa composition, de Merlin, ambitieux opéra d'un compositeur trop rapidement condamné à l'oubli, .

Elève de Fauré, très apprécié de ses contemporains, Ladmirault manifesta en effet un attachement à sa Bretagne natale ainsi qu'un refus des mondanités et des honneurs qui le reléguèrent en marge de la vie musicale en dépit de vibrants témoignages d'admiration de ses pairs tel qui écrivit en 1911: « De tous les musiciens marquants de la génération qui monte, est peut-être le plus doué, le plus original mais aussi le plus modeste ». Le compositeur laissa une œuvre orchestrale et chambriste conséquente, ainsi que ce Merlin, écrit de 1902 à 1909, mentionné par Paul Landormy dans son panorama de La Musique française après Debussy mais resté inédit jusqu'à ce jour. C'est l'association des amis de , animée par le petit-fils du compositeur, qui a pris l'initiative de cette création, dans sa réduction pour piano à quatre mains, coproduite avec la troupe , habituée à défendre des ouvrages plus légers mais qui a eu le courage de se confronter à un opéra complexe et de large dimension (près de 3h30 de musique).

Le livret se concentre uniquement sur le chemin amoureux de Merlin, du prologue lorsqu'un génie proclame au-dessus de son berceau : « Qu'il résiste à l'amour, qu'il soit fort et pur », jusqu'au final où il déclare à Viviane : « Je ne crois en rien qui ne soit pas ta chair ». Le triomphe de l'amour est donc le thème central d'un ouvrage qui fait honneur à la grande tradition française par sa clarté harmonique, la qualité de sa prosodie et sa généreuse inspiration mélodique dans les scènes de genre mais plus encore dans les trois duos passionnés qui ont particulièrement inspiré le compositeur. Celui-ci excelle par ailleurs à créer des atmosphères, pittoresques et mystérieuses tour à tour, la plus réussie étant l'évocation de la forêt de Brocéliande. Son influence majeure est le maître Fauré, mais l'on perçoit également des accents ravéliens dans l'accompagnement ainsi que l'influence de Debussy dans la ligne mélodique. L'originalité de l'ouvrage, qui sollicite abondamment les chœurs, réside surtout dans l'usage de mélodies traditionnelles celtiques qui lui confèrent une couleur particulière.

Cette partition exigeante met à plus d'une reprise les artistes en difficulté à l'exception notable de Sophie Desmars, ancienne pensionnaire du CNIPAL, qui campe une ravissante Viviane et nous séduit par sa voix fraiche et fruitée. Malgré sa bravoure, , qui chante avec partition à l'avant-scène tandis qu'un comédien mime le rôle, a ainsi fort à faire avec l'écrasant et périlleux rôle-titre. Il faut cependant louer la qualité de la préparation musicale sous la direction de et le soin apporté par chacun à la diction, toujours compréhensible, ainsi que la prestation des deux jeunes pianistes, Ségolène Lambert et Gwenaëlle Burel, qui ont su parfaitement allier précision et contraste. La régie de , d'une naïveté assumée, se révèle fort sympathique et contribue au plaisir de la découverte de cet opéra séduisant et racé.

Crédit photographique : Sophie Desmars © DR

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